Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/295

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tance, un autre enfant qui vous aimait tendrement, quand vous n’étiez vous-même encore qu’un enfant ? N’aviez-vous pas un frère depuis longtemps oublié, depuis longtemps absent, dont vous êtes séparé depuis longtemps, et qui enfin, au moment critique où vous avez besoin de lui, pourrait revenir vous soutenir et vous consoler ?…

— Être enfin pour vous ce que vous fûtes autrefois pour lui ! s’écria le plus jeune frère en mettant un genou en terre devant le vieillard. Oui, un frère qui revient, ô frère chéri, payer votre ancienne affection par ses soins constants, son dévouement et son amour ; être à vos côtés ce qu’il n’a jamais cessé d’être quand les océans s’étendaient entre nous ; invoquer, attester sa fidélité invariable et le souvenir des jours passés, des années de douleur et de misère. Mon frère, témoignez par un mot, un seul, que vous me reconnaissez ; et jamais, non jamais, dans les plus beaux moments de nos plus jeunes années, quand, pauvres petits êtres innocents, nous espérions passer notre vie ensemble, jamais nous n’aurons été à moitié aussi précieux l’un à l’autre que nous allons l’être désormais. »

Le vieillard promena successivement son regard sur les assistants et remua les lèvres ; mais il ne s’en échappa aucun son, aucun mot de réponse.

« Si nous étions si unis alors, continua le plus jeune frère, quel lien plus étroit encore pour nous unir désormais ! Notre amour, notre intimité, ont commencé dans l’enfance, quand la vie tout entière était devant nous ; ils seront renoués maintenant que nous avons éprouvé la vie et que nous voilà redevenus enfants. Il y a des esprits inquiets qui ont poursuivi à travers le monde la fortune, la renommée ou le plaisir, et qui aiment à se retirer après, sur le déclin de l’âge, là où fut leur berceau, pour s’efforcer vainement de revenir à l’enfance avant de mourir ; nous, au contraire, moins heureux qu’eux au commencement de la vie, mais plus heureux à la fin, nous nous reposerons au sein des lieux et des souvenirs de notre jeune âge ; et, retournant chez nous sans avoir réalisé une espérance qui se rattachât à ce bas monde ; ne rapportant rien de ce que nous avions emporté, si ce n’est une compassion mutuelle ; n’ayant sauvé d’autre fragment des débris de la vie que ce qui nous l’avait d’abord rendue chère, qui donc nous empêcherait de redevenir enfants comme autrefois ? Et même, ajouta-t-il d’une voix altérée, et