Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/37

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— Oui, oui, je le sais, dit vivement Kit ; mais venez, ma mère, tout le monde nous regarde. Ne faites pas de bruit, emmenez Jacob, c’est bien.

— Arrête, satan, arrête ! cria de nouveau le prédicant. Ne tente point la femme qui te prête l’oreille, mais écoute la voix de celui qui te parle. Il emporte un agneau du troupeau, ajouta-t-il, en élevant de plus en plus sa voix perçante, et désignant le poupon, il emporte un agneau, un précieux agneau ! Il rôde ici comme un loup aux heures de la nuit pour enlever les tendres agneaux ! »

Kit était bien le garçon le plus modéré qu’il y eût au monde ; mais ce langage violent, ainsi que les circonstances critiques où il se trouvait, le mirent hors de lui ; il fit face à la chaire avec le poupon dans les bras et répondit à haute voix :

« Pas du tout : c’est mon frère.

— C’est le mien, c’est mon frère à moi ! cria le prédicant.

— Ce n’est pas vrai ! répliqua Kit avec indignation. Pouvez-vous bien dire chose pareille ?… Et surtout pas de sottises, s’il vous plaît. Quel mal ai-je fait ? Je ne serais certainement pas venu ici pour les emmener si je n’y avais été forcé, vous pouvez en être sûr ; je voulais le faire sans bruit, mais vous, vous en voulez. Maintenant ayez la bonté de garder vos injures pour Satan et compagnie si cela vous convient, monsieur, mais laissez-moi tranquille, s’il vous plaît. »

En même temps, Kit sortit de la chapelle, suivi de sa mère et du petit Jacob, et se trouva en plein air avec un vague souvenir d’avoir vu l’auditoire s’éveiller et le regarder tout surpris ; il se rappelait également que Quilp, durant cette scène d’interruption, avait gardé la même attitude sans détacher ses yeux du plafond ni paraître prendre le moindre intérêt à ce qui se passait.

« O Kit ! dit la mère en portant son mouchoir à ses yeux, qu’avez-vous fait ! Jamais je ne pourrai plus revenir ici, jamais !

— J’en suis enchanté, ma mère. Vous aviez donc bien du repentir de la petite part de plaisir que vous avez prise la nuit dernière, que vous avez cru devoir en faire pénitence ce soir ? Voilà pourtant comme vous faites toujours ! s’il vous arrive d’avoir un moment de bonheur ou de gaieté, vous venez ici, devant cet homme-là, dire que vous en êtes bien fâchée. Vrai-