Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/49

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Mais le sommeil était-il possible ? le sommeil ! mais le repos même était-il possible au sein de pareilles terreurs toujours croissantes ? À demi habillée, les cheveux en désordre, elle courut au lit du vieillard, qu’elle saisit par le poignet en l’arrachant au sommeil.

« Qu’est-ce qu’il y a ? s’écria-t-il, tressaillant dans son lit et fixant ses yeux sur cette figure de fantôme.

— J’ai fait un rêve effrayant, dit l’enfant avec une énergie qui ne pouvait naître que de l’excès de sa terreur. Un rêve effrayant, horrible ! Ce n’est pas la première fois. Dans ce rêve il y a des hommes aux cheveux gris comme vous ; ces hommes sont au milieu d’une chambre obscurcie par la nuit, et ils volent l’or de ceux qui dorment. Debout ! debout ! … »

Le vieillard trembla de tous ses membres et joignit les mains dans l’attitude de la prière.

« Si ce n’est pour moi, dit l’enfant, si ce n’est pour moi, au nom du ciel ! debout, pour nous soustraire à de telles extrémités. Ce rêve n’est que trop réel. Je ne puis dormir, je ne puis demeurer ici, je ne puis vous laisser seul dans une maison où il se fait de ces rêves-là. Debout ! il faut fuir ! »

Il la contemplait comme un spectre, et elle en avait toute l’apparence ; elle avait l’air d’une déterrée, et le vieillard éprouvait un tremblement redoublé.

« Il n’y a pas de temps à perdre, dit l’enfant, pas une minute. Debout ! venez avec moi !

— Quoi ! cette nuit ? murmura le vieillard.

— Oui, cette nuit. Demain soir il serait trop tard. Le rêve reviendrait. La fuite seule peut nous sauver. Debout ! »

Le vieillard sortit de son lit, le front humide, couvert d’une froide sueur, la sueur de l’épouvante, et, se courbant devant l’enfant, comme si c’était un ange envoyé en mission pour le conduire à sa volonté, il fut bientôt prêt à la suivre. Elle le prit par la main et l’emmena. Au moment où ils passaient devant la porte de la chambre où le vieillard s’était proposé de commettre le vol, Nelly frissonna et regarda son grand-père en face. Qu’il était pâle ! et quel regard il rencontra dans les yeux de l’enfant !

Elle le conduisit à sa propre chambre, et le tenant toujours par la main, comme si elle craignait de le perdre un instant de vue, elle rassembla son modeste bagage et suspendit son panier