Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/81

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dans l’espace, avec ses lanternes brillantes, avec le galop sonore de ses chevaux, avec l’apparition du conducteur qui derrière se tient debout pour garder ses pieds chauds, et du gentleman au bonnet fourré qui ouvre ses yeux et jette autour de lui des regards d’étonnement. On s’arrête au tourniquet : précisément le gardien de la barrière s’est mis au lit. On frappe à la porte jusqu’à ce que l’homme ait répondu par un grognement sourd, du fond de ses couvertures dans sa petite chambre d’en haut où brûle une faible lumière, et qu’il descende, avec son bonnet de nuit et grelottant, ouvrir la barrière toute grande, en maudissant toutes les voitures qui se présentent autrement que pendant le jour. D’autres tableaux vont se succéder : c’est l’espace de temps rapide et froid qui sépare la nuit du matin ; c’est la bande lointaine de lumière qui s’élargit et s’étend sans cesse en tournant du gris au blanc, du blanc au jaune, et du jaune au rouge pourpre ; c’est la renaissance du jour avec sa gaieté, avec la vie qu’il répand ; ce sont les hommes et les chevaux à la charrue, les oiseaux dans les arbres et sur les baies, et, dans les champs déserts, les jeunes garçons effrayant les oiseaux avec leurs crécelles pour protéger les grains.

On arrive à une ville : là, c’est la foule affairée qui se presse au marché ; ce sont les petites charrettes et les voitures légères rangées tout autour d’une cour d’auberge ; des marchands debout sur le seuil de leur porte ; des maquignons qui font courir leurs chevaux d’un bout de la rue à l’autre pour tenter les chalands ; des porcs qui se vautrent en grognant dans le ruisseau, ou qui cheminent avec de longues cordes attachées à leurs pieds, se ruant contre les brillantes boutiques des apothicaires d’où ils sont chassés à coups de balai par les garçons ; la diligence, qui a roulé toute la nuit, changeant de chevaux au relais ; les voyageurs ennuyés, refroidis, laids, de mauvaise humeur, avec des cheveux qui semblent avoir pris en une nuit une crue de trois mois ; le conducteur au contraire, frais comme s’il sortait d’une boite, et magnifique par comparaison… Que d’agitation ! que de choses en mouvement ! quelle variété d’incidents dans un voyage aussi délicieux qu’un voyage en diligence !

De temps en temps, Nelly marchait l’espace d’un mille ou deux, après avoir fait monter son grand-père dans l’intérieur de la voiture ; parfois même elle obtenait du maître d’école qu’il prit sa place et se reposât. Elle continua de voyager ainsi heu-