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NICOLAS NICKLEBY.

offrir une maison à moi, où nous pourrons voir renaître le bonheur qui nous est refusé aujourd’hui, et parler de nos tribulations comme de choses passées. Ne me retenez pas ici, laissez-moi partir. Chère amie !… chère amie !…

Les bras qui le retenaient s’affaiblirent, et Catherine s’évanouit. Nicolas la soutint pendant quelques secondes, et la plaçant doucement sur une chaise, la confia à la bonne miss la Creevy.

— Je n’ai pas besoin de faire appel à votre sympathie, lui dit-il en lui serrant la main ; car je connais votre bon naturel. Vous ne les oublierez jamais.

Il marcha vers Ralph, qui n’avait pas bougé et ne remuait pas un doigt.

— Quelque parti que vous preniez, Monsieur, dit-il de manière à n’être entendu que de lui, vous m’en répondrez. Je vous les laisse ; agissez à leur égard comme il vous plaira. Il y aura tôt ou tard un jour de compte, et ce compte sera lourd pour vous si vous leur faites tort.

Aucun mouvement des muscles de la figure de Ralph ne laissa voir qu’il avait entendu un mot de cette dernière apostrophe. Il savait à peine qu’elle était terminée, et madame Nickleby avait à peine pris la résolution de retenir son fils par la force, s’il était nécessaire, que Nicolas était déjà parti.

Il retourna à son obscur logement d’un pas dont la rapidité était conforme à l’agitation de ses pensées ; il se jeta sur son lit, et, se tournant du côté du mur, donna un libre cours aux émotions qu’il avait si longtemps étouffées.

Il n’avait entendu entrer personne, et ne remarquait pas la présence de Smike, lorsque, levant la tête par hasard, il le vit debout et les yeux fixes à l’entrée de la chambre. Smike détourna les yeux lorsqu’il s’aperçut qu’on l’observait, et feignit d’être occupé aux maigres préparatifs du dîner.

— Eh bien ! Smike, dit Nicolas le plus gaiement possible, quelles nouvelles connaissances avez-vous faites ce matin, ou quelle nouvelle merveille avez-vous trouvée dans cette rue voisine ? — Il ne s’agit pas de cela, dit Smike en tournant douloureusement la tête ; j’ai à vous parler d’autre chose aujourd’hui. — De ce que vous voudrez, répondit Nicolas d’un ton léger. — Je sais, reprit Smike, que vous êtes malheureux, et que vous vous êtes attiré bien des désagréments en m’emmenant avec vous. J’aurais dû le savoir, et ne pas vous suivre ; je l’aurais fait, si j’y avais songé. Vous n’êtes pas riche ; vous n’avez pas assez pour vous, et je ne devrais pas être ici… Vous maigrissez chaque jour, ajouta-t-il en posant timidement sa main sur celle de Nicolas, vos joues sont plus pâles et vos yeux plus creux. Je souffre de vous voir ainsi, et je pense que je suis un fardeau pour vous ; j’ai essayé de m’en aller