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NICOLAS NICKLEBY.

— Votre nom et votre adresse ? dit Nicolas, dont la pâleur augmentait. — Ni l’un ni l’autre. — S’il y a un gentleman dans la société, reprit Nicolas, dont les lèvres blanches articulaient à peine, il m’instruira du nom et du domicile de cet homme

Il y eut un silence de mort.

— Je suis le frère de la jeune personne qui a été le sujet de votre conversation. J’accuse cet homme de mensonge et de lâcheté. S’il a un ami parmi vous, cet ami lui épargnera la peine qu’il prend pour cacher son nom, peine complètement inutile, car je le découvrirai ; je ne le quitterai pas avant de le savoir.

Sir Mulberry le regarda avec mépris, et s’adressant à ses compagnons :

— Laissez-le parler, dit-il ; je n’ai rien de sérieux à dire à des gens de cette espèce, et il devra à sa sœur de ne pas avoir la tête cassée. — Vous êtes un misérable sans esprit et sans âme ! dit Nicolas, et je le proclamerai partout. Je vous connaîtrai ; je vous suivrai jusque chez vous, quand même vous resteriez dans la rue jusqu’à demain.

La main de sir Mulberry se referma involontairement sur son verre, et il parut un moment sur le point de le lancer à la tête de son adversaire. Mais il se contenta de remplir son verre en riant de pitié.

Nicolas s’assit en face de la compagnie, appela le garçon, et paya sa dépense.

— Connaissez-vous le nom de cette personne ? demanda-t-il au garçon en désignant sir Mulberry.

Sir Mulberry rit de nouveau, et les deux voix rirent également, toujours avec le même ensemble, mais avec moins de force.

— De cette personne, Monsieur ? répliqua le garçon, qui répondait juste avec autant d’impertinence qu’il lui était possible de le faire sans danger : non, Monsieur. — Ici ! cria sir Mulberry à l’homme qui se retirait. Connaissez-vous le nom de cette personne ? — Non, Monsieur ; non, Monsieur. — Alors vous le trouverez là, dit sir Mulberry en lui jetant la carte de Nicolas, et quand vous l’aurez appris, vous jetterez ce morceau de carton au feu… m’entendez-vous ?

L’homme ricana, regarda Nicolas du coin de l’œil, et pour ne pas se compromettre, plaça la carte dans un coin de la glace, et se retira.

Nicolas se croisa les bras, et, se mordant les lèvres, s’assit tranquillement ; il annonça toutefois la ferme résolution de mettre à exécution sa menace de suivre sir Mulberry.

Il était évident, d’après le ton du plus jeune membre de la compagnie, qu’il faisait des représentations à son ami, et le pressait d’accéder à la requête de Nicolas.