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NICOLAS NICKLEBY.

opposer la moindre résistance ? — Poursuivez, dit Ralph, dont la froideur étudiée présentait un étrange contraste avec le ravissement auquel son ami s’était par degrés laissé entraîner, poursuivez ; vous n’êtes pas venu ici pour m’adresser cette question. — Non sans doute ; j’en conviens volontiers. Je suis venu demander combien, si je réussissais auprès du père, vous réclameriez de moi pour ce qu’il vous doit. Est-ce vingt-cinq, trente, cinquante pour cent ? Vous êtes mon ami, et nous avons toujours été bien ensemble, aussi irai-je jusqu’à cinquante pour cent ; mais vous ne serez pas assez dur pour les exiger, je le sais. — Vous ne dites pas tout, reprit Ralph toujours calme et impassible comme un roc. — Vous ne m’en donnez pas le temps. J’ai besoin dans cette affaire d’un homme qui me soutienne, parle pour moi, plaide ma cause, me représente, et vous vous en acquitterez à merveille. Or, si vous recouvrez, grâce à moi, une partie d’une créance que vous regardiez depuis longtemps comme perdue, ne me viendrez-vous pas en aide ? — Vous avez encore autre chose en vue ? — Non, vraiment. — Si, vraiment, je vous le dis. — Oh ! reprit Arthur feignant d’être éclairé tout à coup, vous pensez que j’ai pour épouser Madeleine d’autres motifs ; faut-il vous les faire connaître ? — Je vous le conseille, dit Ralph sèchement. — Je ne voulais pas vous en parler, parce que je croyais que vous cesseriez de vous inquiéter de cette affaire dès qu’on vous aurait désintéressé. Mais, puisque vous avez la bonté de m’interroger sur mes intentions, admettons que j’aie connaissance d’un patrimoine modique, très-modique, auquel cette fille a des droits, et que son mari pourrait empocher s’il était instruit comme moi de ce fait ignoré de tout autre. Ceci vous expliquera… — Toute votre conduite, interrompit Ralph brusquement. Maintenant, laissez-moi éclaircir la chose, et examiner à quelles conditions je dois contribuer à votre succès. — Mais ne soyez pas trop dur pour moi, s’écria le vieil Arthur d’une voix tremblante et en élevant les mains avec un geste suppliant. C’est un patrimoine très-médiocre, en vérité. Réglons à cinquante pour cent, et concluons le marché. C’est plus que je ne devrais donner, mais vous êtes si bon !…

Ne prenant pas garde à ces prières, Ralph réfléchit pendant quelques minutes et alla droit au fait sans aucune circonlocution.

— Si vous épousez cette fille sans mon concours, dit Ralph, vous serez obligé d’acquitter la totalité de la dette, autrement vous ne sauriez mettre le père en liberté. Il est donc évident qu’il me faut la somme entière claire et nette de toute déduction ; sans cela, j’aurais perdu à être honoré de votre confidence au lieu d’y gagner. Voilà le premier article du traité. Passons au second. Pour le mal que me