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NICOLAS NICKLEBY.

dérange infiniment, et condamne pour longtemps encore madame Squeers au veuvage. J’ai certainement beaucoup de plaisir à vous obliger…

— Je n’en doute pas, dit Ralph sèchement. — Mais en même temps, reprit Squeers en se frottant les genoux, il est très-gênant de faire un voyage de soixante lieues pour venir prêter serment, sans parler des risques que je cours. — Quels risques courez-vous, monsieur Squeers ? — Je vous dis que je ne veux pas en parler. — Mais vous savez à quoi vous en tenir. Ne vous ai-je pas répété mille fois que vous ne couriez aucun risque ? Que vous demande-t-on d’affirmer par serment ? Qu’à telle ou telle époque un enfant vous a été laissé sous le nom de Smike ; qu’il est resté dans votre institution un certain nombre d’années ; que vous l’avez perdu en telle circonstance, et que vous l’avez retrouvé ; tout cela n’est-il pas vrai ? — Oui, tout cela est vrai. — Eh bien ! donc, quel risque courez-vous ? qui fait un faux serment si ce n’est Snawley, que je paie beaucoup moins cher que vous ? — Il le fait certainement à trop bon marché. — Et cependant il joue bien son rôle. Mais vous, vous n’avez rien à craindre ; les certificats sont tous authentiques. Snawley a eu un autre fils ; il a été marié deux fois. Sa première femme est morte, et son ombre seule pourrait dire qu’elle n’a pas écrit la lettre que nous présentons, et Snawley seul pourrait dire que Smike n’est pas son fils, et que son véritable fils est depuis longtemps mort et enterré. Snawley seul se parjure, et j’ai lieu de croire qu’il y est passablement habitué. Mais vous, vous ne paraissez pas plus que moi dans l’affaire.

— Vous me prouverez bientôt que c’est un avantage pour moi d’être entré dans la conspiration. — Croyez-le si vous voulez ; ce conte a été fabriqué primitivement pour tourmenter un homme qui vous a roué de coups et pour vous rendre un fugitif que vous désiriez avoir entre vos mains. Vous saviez que le meilleur moyen de punir votre ennemi était de lui enlever son protégé, n’est-ce pas ? — Je n’en disconviens pas ; mais vous aviez aussi une vengeance à exercer. — Sans cela, croyez-vous que je serais venu à votre aide ? Mais il n’y a pas égalité entre nous ; car j’ai dépensé de l’argent pour assouvir ma haine ; mais vous, vous l’avez empoché tout en assouvissant la vôtre ; vous êtes sûr en tout cas de garder ce que je vous ai donné, tandis que je puis, moi, avoir fait des frais en pure perte.

Après avoir ainsi réduit M. Squeers au silence, Ralph lui donna des détails sur le mariage projeté et les obstacles qui étaient survenus.

Il lui représenta comme certain le mariage de la jeune personne et de Nicolas.

Il ajouta qu’un testament, ou un acte quelconque, qui devait contenir le nom de