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NICOLAS NICKLEBY.

refusa, alléguant que sa présence pourrait aggraver les peines de la famille Squeers.

— C’est, ma foi, vrai, je n’y aurais jamais songé. — Je partirai demain ; mais j’ai l’intention de dîner avec vous aujourd’hui, et si vous pouvez me donner un lit… — Un lit ! je voudrais en avoir cinquante à vous offrir, et que vous les prissiez tous. Attendez mon retour, et nous rirons.

À ces mots, John donna une poignée de main à Nicolas, un baiser à sa femme, partit au galop, et fut bientôt à Dotheboys. La porte était fermée en-dedans, et un bruit terrible retentissait dans la classe. John, après avoir attaché son cheval, regarda par une fente du mur, et fut témoin d’un curieux spectacle.

La révolte venait d’éclater. C’était un jour de distribution médicale, et madame Squeers, suivie de sa fille et de Wackford, venait d’entrer dans la classe avec son bol et sa cuiller. Durant l’absence de son père, Wackford l’avait dignement représenté, en donnant des coups de botte aux élèves, en tirant les cheveux des plus petits, en pinçant les autres, et en se montrant ainsi le soutien et le consolateur de sa mère.

L’entrée de madame Squeers fut le signal de la rébellion ; un détachement d’élèves courut fermer la porte, plusieurs montèrent sur les bancs et sur les pupitres. L’enfant le plus nouvellement arrivé, et par conséquent le plus fort, s’empara de la canne, arracha le chapeau de madame Squeers, le plaça sur sa propre tête, s’arma de la cuiller de bois, et ordonna, sous peine de mort, à la vieille dame d’avaler une dose de la médecine. Quand elle eut été contrainte par ses bourreaux de prendre une cuillerée de l’odieux mélange, on plongea dans le bol la tête du jeune Wackford. Les insurgés allaient se livrer à de nouvelles voies de fait, si John Browdie n’avait enfoncé la porte. À son aspect, toutes les clameurs cessèrent.

— Vous faites du tapage, jeunes gens ! — Squeers est en prison, et nous voulons nous en aller ! crièrent une vingtaine de voix grêles. — Eh bien ! allez-vous-en, personne ne vous retient, détalez ; mais ne faites pas de mal aux femmes. — Hurrah ! crièrent les élèves. — Bon ! criez hurrah comme des hommes. Hurrah ! — Hurrah ! répétèrent les élèves. — Encore un hurrah, et plus haut. — Hurrah ! — Encore un avant de partir. Prenez haleine, pensez à l’emprisonnement de Squeers, au bouleversement de l’école, à votre délivrance. Hurrah !

On lui répondit par une acclamation telle que les murs de Dotheboys n’en avaient jamais entendu. Quand les cris eurent cessé, la foule se pressa à la porte, et cinq minutes après l’école était vide.