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NICOLAS NICKLEBY.

ment nouvelle, au milieu d’étrangers froids et indifférents. Mais tout le visage de Catherine se teignit de vives couleurs, sa respiration devint un moment plus rapide, et elle poursuivit ensuite sa route d’un pas plus ferme et plus assuré.

— Mon oncle, dit Catherine lorsqu’elle jugea qu’ils approchaient de leur destination, vivrai-je chez moi ? — Chez vous ! où cela ? — Je veux dire avec ma mère, avec la pauvre veuve ? — À proprement parler, vous vivrez ici, car vous prendrez ici vos repas, et vous serez ici du matin au soir et parfois du soir au matin. — Mais la nuit je ne puis la quitter, mon oncle ; il faut que j’aie un domicile, ou chez moi ou dans l’endroit où elle aura le sien. — J’ai prévu cette question, dit Ralph, et, quoique d’un avis contraire, faites-y bien attention, j’ai pris des mesures en conséquence. J’ai parlé de vous comme d’une ouvrière travaillant chez elle.

C’était une consolation. Catherine accabla son oncle de remerciements, que celui-ci reçut comme s’il les avait mérités ; et, sans plus ample conversation, ils arrivèrent à la porte de madame Mantalini, dont le nom et la profession étaient inscrits sur un vaste tableau. Les magasins de madame Mantalini étaient au premier, ce dont la noblesse et les gens riches étaient avertis par deux ou trois chapeaux à la dernière mode, et divers ajustements du meilleur goût, qu’on apercevait près des rideaux des fenêtres.

Un domestique en livrée ouvrit la porte, et, en réponse à la question de Ralph, qui demanda si madame Mantalini était chez elle, il introduisit les visiteurs dans une antichambre magnifique. Ils attendirent là plus longtemps que ne l’eût désiré M. Ralph Nickleby, qui allait sonner, lorsqu’un individu passa la tête à la porte et disparut aussitôt en apercevant quelqu’un.

— Holà ! holà ! s’écria Ralph.

Au bruit de la voix de Ralph, la tête reparut ; la bouche, en s’ouvrant, laissa voir une longue rangée de dents d’une éclatante blancheur, et murmura d’un ton minaudier :

— Diable ! Nickleby.

Là-dessus, l’individu conduisit les visiteurs dans une chambre du second étage, où se trouvait madame Mantalini. La couturière était un beau brin de femme, de bonne mine et bien mise, mais beaucoup plus âgée que l’homme en pantalon turc, qu’elle avait épousé environ six mois auparavant. Le nom du mari était originairement Muntle ; mais, par une transition facile, il l’avait converti en celui de Mantalini, la dame pensant avec raison qu’un nom anglais lui ferait du tort dans sa spécialité commerciale. M. Mantalini avait apporté en dot ses favoris, sur lesquels