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NICOLAS NICKLEBY.

seul trait la moitié du punch presque bouillant ; puis il en versa le reste dans le gosier de Smike, qui n’ayant jamais de sa vie goûté rien de plus fort qu’une médecine apéritive, manifesta par des gestes singuliers sa surprise et son ravissement durant le passage de la liqueur dans son oesophage.

— Vous êtes transpercé, dit Newman en passant rapidement la main sur l’habit que venait d’hôter Nicolas ; et je… je… je n’ai pas même de quoi changer, ajouta t-il en jetant un regard piteux sur ses propres vêtements.

— J’ai des hardes sèches dans ma valise, répondit Nicolas ; si vous avez l’air si désolé de me voir, vous ajouterez à la peine que j’éprouve d’être obligé pour une seule nuit de vous demander l’hospitalité.

Newman n’eut pas l’air moins désolé d’entendre Nicolas parler ainsi ; mais son jeune ami lui serra cordialement la main, et lui assura que la confiance la plus absolue dans la sincérité de ses protestations l’avait seule décidé à avoir recours à lui ; et la physionomie de M. Noggs s’éclaircit. Il s’occupa avec beaucoup d’empressement de faire toutes les dispositions qui étaient en son pouvoir pour bien recevoir ses hôtes.

Elles furent assez simples, les voyageurs partagèrent leur frugal repas avec plus de satisfaction que l’un d’eux du moins n’en avait éprouvé en savourant des mets plus recherchés.

Le souper fini, ils s’approchèrent du feu, que Newman Noggs arrangea de son mieux. Nicolas, qui, pour complaire à son ami, ne s’était jusqu’alors occupé que de se refaire de la lassitude du voyage, l’accabla de questions sur sa mère et sa sœur.

— Elles vont bien, répondit Newman avec son laconisme habituel. — Elles demeurent toujours dans la Cité ? — Toujours. — Et ma sœur ? elle me marquait qu’elle allait embrasser une profession qui lui plaisait beaucoup ; est-elle installée ?

Newman ouvrit de grands yeux, se contenta de répondre par un signe de tête, et demeura la bouche béante. Nicolas crut voir dans cette pantomime une réponse favorable.

— Maintenant écoutez-moi, dit Nicolas en mettant la main sur l’épaule de Newman. Avant de me présenter chez elles, j’ai jugé convenable de venir vous trouver, de peur que, pour satisfaire le désir que j’ai de les voir, je ne leur cause un tort qu’il me serait impossible de réparer. Quelles nouvelles mon oncle a-t-il reçues du Yorkshire ?

Vous voyez que je suis prêt à entendre tout ce que la méchanceté a pu imaginer ; pourquoi me le cacheriez-vous ? il faut que je le sache tôt ou tard ; et à quoi bon