Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/106

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intéressante. À une heure, les élèves, dont on avait commencé par épuiser l’appétit avec une bonne pâtée de pomme de terre, s’attablèrent, dans la cuisine, devant un morceau coriace de bœuf salé, dont Nicolas reçut la gracieuse permission d’emporter sa part à son pupitre solitaire, pour y manger en paix. Après cela, il y eut encore une heure de récréation, employée, comme l’autre, à se tenir accroupis et grelottants de froid dans l’étude, jusqu’à ce que la classe commençât.

Après chaque tournée de M. Squeers à Londres, il avait pour habitude, deux fois par an, de réunir tous ses élèves, et de leur adresser une espèce de rapport sur ceux de leurs parents ou amis qu’il avait pu voir, les nouvelles qu’il avait recueillies, les lettres qu’il avait apportées, les mémoires qui avaient été acquittés, les comptes qui étaient restés en arrière, et ainsi de suite. Cette séance solennelle avait toujours lieu dans l’après-midi du jour qui suivait son retour ; peut-être était-ce pour enseigner aux enfants à se posséder eux-mêmes et à maîtriser leur impatience pour acquérir de la force d’âme que M. Squeers ne la faisait pas le matin. Peut-être était-ce aussi pour se donner à lui-même le temps d’acquérir un esprit plus ferme et une justice plus inflexible à l’aide de quelques liquides généreux qu’il se permettait d’ordinaire après son premier dîner. Quoi qu’il en soit, les élèves furent donc rappelés, qui du nettoyage des vitres, qui du jardin, qui de l’écurie, qui de l’étable, et la pension se trouvait réunie en grand conclave, quand M. Squeers, tenant en main une liasse de papiers, et Mme Squeers, tenant en main une paire de houssines, entrèrent dans la chambre. M. Squeers réclama ainsi du silence avec douceur :

« Le premier qui dit un mot sans permission, je l’écorche tout vif. »

Cet avertissement amical produisit tout de suite l’effet désiré, et un silence funèbre régna dans l’assemblée. M. Squeers continua :

« Chers élèves, je suis allé à Londres, et je suis revenu dans le sein de ma famille et au milieu de vous aussi fort et aussi bien portant que jamais. »

Fidèles à la coutume qui permettait l’enthousiasme deux fois par ans, les élèves poussèrent trois acclamations à cette nouvelle intéressante. Quelles acclamations ! c’étaient plutôt des soupirs grelottants.

« J’ai vu des parents de quelques élèves, continua Squeers, en feuilletant ses notes, et ils sont si enchantés des soins donnés à leurs enfants, qu’ils ne songent pas du tout à les retirer, ce