Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/158

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tout en émoi ; soutenez-la seulement de l’autre côté. Comment te sens-tu, ma chère ?

— Mieux, dit Mlle Squeers avec un grand soupir et reposant doucement sur l’épaule de M. Nickleby un chapeau de castor marron avec un voile vert ; quelle sotte défaillance qui m’a prise !

— Pas si sotte, ma chère, dit miss Price, l’œil étincelant de malice en voyant l’embarras de Nicolas ; tu aurais bien tort d’en être honteuse ! C’est à ceux qui sont trop orgueilleux pour revenir tout bonnement à en être honteux.

— Il paraît que c’est un parti pris chez vous, dit Nicolas en souriant, de me mettre cela sur le dos, malgré mes protestations d’hier au soir que ce n’était point du tout ma faute.

— Tu le vois, ma chère ; il dit que ce n’était pas sa faute, reprit avec malice Mlle Price. Peut-être aussi auras-tu été trop jalouse ou trop vive avec lui ? Il dit que ce n’était pas sa faute ; tu l’as bien entendu. Je pense que l’excuse est suffisante.

— Vous ne voulez donc pas me comprendre ? dit Nicolas. Voyons, finirons-nous cette mauvaise plaisanterie ? car enfin, je n’ai ni le goût ni le loisir de vous prêter à rire pour votre amusement.

— Que voulez-vous dire ? demanda miss Price, simulant un profond étonnement.

— Ne lui fais pas de question, cria Mlle Squeers, je lui pardonne.

— Diantre ! dit Nicolas, sentant le castor marron se reposer de nouveau sur son épaule, où il se trouvait bien apparemment, cela devient plus sérieux que je ne croyais. Permettez. Voulez-vous avoir la bonté de m’entendre ? »

Là-dessus il releva le castor marron et, surprenant, avec un étonnement véritable, un regard de tendre reproche à son adresse, il fit quelques pas en arrière pour se mettre à distance du précieux fardeau, et continua ainsi :

« Je suis désolé, vraiment et sincèrement désolé d’avoir été l’occasion d’une scène entre vous, hier au soir. Vous ne sauriez croire combien je me reproche amèrement d’avoir eu le malheur d’occasionner votre querelle ; mais je vous assure que c’est sans aucune intention et par pure étourderie.

— Eh bien ! est-ce là tout ce que vous avez à dire ? s’écria miss Price, voyant que Nicolas s’en tenait là.

— Non, j’ai peur d’être obligé en conscience de m’expliquer plus clairement, bégaya Nicolas avec un demi-sourire, et regardant en face Mlle Squeers, mais… en vérité, je ne sais com-