Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/252

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dont la vue témoignait assez, sans parler de sa coiffure en désordre et de son tour de tête défrisé, qu’elle venait d’avoir une pâmoison terrible.

« Ciel ! dit Catherine se précipitant vers elle ; qu’est-ce qu’il y a ? »

Il n’en fallut pas davantage pour procurer à Mlle Knag les symptômes d’une violente rechute : et les demoiselles, de lancer à Catherine des yeux courroucés, toujours à grand renfort de vinaigre et de corne de cerf pour la pauvre évanouie ; et l’on entendait de tous côtés : « Oh ! que c’est affreux !

— Qu’est-ce qui est affreux ? demanda Catherine ; qu’y a-t-il ? dites-moi, qu’est-il arrivé ?

— Ce qui est arrivé ! s’écria Mlle Knag se dressant toute roide comme une barre de fer, à la grande épouvante de ces demoiselles consternées ; ce qui est arrivé ! fi de vous, sale petite créature.

— Dieu du ciel ! s’écria Catherine, presque paralysée par la violence avec laquelle le terrible adjectif avait franchi les dents serrées de Mlle Knag. Quoi ! vous aurais-je offensée ?

— Vous, m’offenser ? repartit Mlle Knag ; vous, une morveuse, une enfant, une parvenue, une rien du tout. Oh ! par exemple, ha ! ha ! ha ! ha ! »

Il était bien évident, à voir le rire convulsif de Mlle Knag, que cette prétention d’avoir pu l’offenser était excessivement amusante. Et, comme ces demoiselles ne manquaient jamais de s’inspirer de leur chef de file, elles tombèrent à leur tour dans un rire inextinguible, avec de petits signes de tête expressifs, et des sourires moqueurs, en se regardant les unes les autres comme pour se dire : « Voilà qui est fort !

— Voici la demoiselle, continua miss Knag bondissant de sa boîte et présentant Catherine avec toutes sortes de cérémonies et de révérences les plus humbles à la compagnie qui pouffait de rire ; voici la demoiselle dont tout le monde parle, la belle des belles, mesdames, la beauté du jour. Oh ! vilaine effrontée ! »

En ce moment de crise, la vertu de Mlle Knag ne put réprimer un frémissement d’indignation qui se communiqua par un effet électrique à toutes ces demoiselles : puis elle se mit à rire, puis elle se mit à pleurer.

« Voilà quinze ans, s’écria miss Knag avec des sanglots à fondre le cœur le plus dur, voilà quinze ans que je suis l’honneur et l’ornement de cette chambre de travail, et du salon du premier étage. Dieu merci ! ajouta-t-elle en frappant d’abord du pied droit, puis du pied gauche le parquet innocent avec une