Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/362

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Shakespeare, si ce n’est l’idée générale et vague qu’il avait bien faim. Quant à cela, il l’avait appris avec une merveilleuse facilité, grâce sans doute aux vieux souvenirs de Dotheboys-Hall.

« Je ne sais plus que faire, Smike, dit Nicolas posant là le livre ; j’ai peur, mon pauvre garçon, que vous ne puissiez jamais l’apprendre par cœur.

— J’en ai bien peur aussi, dit Smike en secouant la tête. Je crois pourtant que si vous… mais ce serait bien ennuyeux pour vous.

— Quoi ? demanda Nicolas ; ne vous inquiétez pas de moi.

— Je crois, dit Smike, que si vous vous donniez la peine de me le dire par petits morceaux en me le répétant bien des fois, à force de l’entendre de votre bouche, je finirais par être capable de m’en souvenir.

— Croyez-vous ? s’écria Nicolas. Eh bien ! voyons qui se lassera le premier, ce ne sera pas moi, Smike, je vous en avertis. Commençons donc : Qui est-ce qui m’appelle si haut là-bas ?

Qui est-ce qui m’appelle si haut là-bas ? dit Smike.

Qui est-ce qui m’appelle si haut là-bas ? répéta Nicolas.

Qui est-ce qui m’appelle si haut là-bas ? » cria Smike.

Et ils continuèrent ainsi bien des fois à se demander qui est-ce qui les appelait si haut là-bas, tant qu’enfin Smike ayant appris cette phrase par cœur, Nicolas passa à une autre ; puis il se hasarda à en dire deux à la fois, puis trois, et ainsi de suite jusqu’à ce que le pauvre Smike, à minuit, découvrit avec une joie inexprimable qu’il commençait réellement à se rappeler quelque chose de son auteur.

Le lendemain matin, de bonne heure, ils recommencèrent sur nouveaux frais, et Smike, rendu plus confiant par les progrès qu’il avait déjà faits, en fit de plus rapides encore et travailla de meilleur cœur. À mesure qu’il commençait à retenir assez fidèlement les mots, Nicolas lui montrait les gestes ; il lui apprenait à entrer sur la scène, les deux mains étalées sur son estomac, et à le frotter de temps en temps, conformément à la tradition suivie dans les pantomimes des théâtres, pour indiquer au public qu’on voudrait bien avoir quelque chose à manger. Après la répétition du matin, ils se mirent encore à l’ouvrage, sans s’arrêter, excepté pour dîner sur le pouce, jusqu’à l’heure de la représentation. Jamais maître n’eut d’élève plus appliqué, plus humble, plus docile ; jamais élève n’eut de maître plus patient, plus infatigable, plus sérieux et plus bienveillant.

Au théâtre, quand ils furent costumés, Nicolas recommença ses instructions et les renouvela chaque fois qu’il n’était pas en