Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/368

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— Elle n’a rien à gagner à votre connaissance, répliqua Ralph : elle a reçu une éducation honnête et vertueuse, c’est une bonne petite fille sans protection… Pauvre fille, va ! »

Ralph murmura ce court résumé de la situation de Catherine, comme en passant, et sans avoir l’intention d’en parler à d’autres qu’à lui-même. Mais en même temps, le regard sournois qu’il adressait au jeune lord trahissait son indigne tricherie.

« Puisque je vous dis que je veux seulement la voir, cria son client : on peut regarder une jolie femme sans qu’il y ait du mal à cela, n’est-ce pas ? Ainsi, où demeure-t-elle ? Vous savez, Nickleby, que vous faites de l’argent gros comme vous avec moi : eh bien ! je vous donne ma parole que je n’en irai jamais trouver d’autres que vous, si vous voulez seulement me dire cela.

— Puisque vous me le promettez, milord, dit Ralph ayant l’air de vaincre avec peine sa répugnance, comme je n’ai rien de plus à cœur que de vous obliger, et qu’il n’y a pas de mal à cela (vous me l’assurez), je vais vous le dire ; mais vous ferez bien de le garder pour vous, pour vous seul, vous m’entendez ? » Et en même temps il montrait la chambre voisine avec un signe de tête expressif.

Le jeune lord ayant l’air de ne pas sentir moins que lui la nécessité de cette précaution, Ralph lui révéla la demeure et la situation de sa nièce chez Mme Wititterly, en lui faisant observer que, d’après ce qu’il avait entendu dire de cette maison, on y était très avide de connaissances du beau monde, et qu’un lord ne trouverait sans doute pas beaucoup de difficultés à s’y introduire, s’il y était disposé.

« Comme vous n’avez pas d’autre but que de la revoir, ce serait pour vous, en tout cas, un moyen d’y réussir. »

Lord Verisopht, pour reconnaître le service que lui rendait Ralph, secoua amicalement, à plusieurs reprises, sa main rude et calleuse, en lui disant tout bas qu’il ferait bien d’en rester là pour aujourd’hui, et cria à sir Mulberry-Hawk qu’il pouvait rentrer.

« Je croyais que vous aviez mis votre bonnet de nuit, dit sir Mulberry, qui reparut d’un air assez maussade.

— Je suis fâché de vous avoir retenu si longtemps, lui dit sa dupe, mais Nickleby a été si terriblement amusant, que je ne pouvais pas m’arracher de là.

— Non, non, dit Ralph, c’était bien Votre Seigneurie ; vous connaissez l’esprit, la gaieté, l’élégance, le mérite de lord Fré-