Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/392

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que ces choses-là se passent au grand scandale du monde véritable, qui reste muet d’étonnement.

Mme Nickleby aussi avait fait ses réflexions du matin ; celles-là étaient de la nature la plus flatteuse pour son amour-propre ; et, sous l’influence des illusions de plaisir et d’orgueil auxquels elle était en proie, elle s’assit à son secrétaire, pour écrire à Catherine une longue lettre, dans laquelle elle lui donnait son approbation pleine et entière pour l’heureux choix qu’elle avait fait : et à ce propos elle élevait au ciel sir Mulberry, ajoutant, pour rassurer davantage l’inclination de sa fille, que c’était précisément l’homme qu’elle, Mme Nickleby, aurait souhaité pour gendre, si elle avait été à même de choisir à son goût, dans toute l’espèce humaine. Aussi la bonne dame, après un court préambule, pour bien établir que sans doute on ne supposait pas qu’elle eût vécu si longtemps dans le monde pour ne pas le connaître, traçait à sa fille tout un code de préceptes à suivre pendant le temps que durait la cour d’un prétendant ; préceptes sûrs, car elle les avait vérifiés par son expérience propre et personnelle. Mais avant tout, elle lui recommandait une réserve pudique des plus strictes, non pas seulement comme une chose louable en elle-même, mais comme un appât matériel, tout à fait propre à aiguiser et à entretenir l’ardeur d’un amoureux. « Aussi, continuait Mme Nickleby, je n’ai jamais eu de plus grand plaisir de ma vie, que de remarquer, l’autre soir, que votre bon sens naturel vous en avait déjà donné le conseil avant moi. » Là-dessus, après différentes allusions au plaisir qu’elle ressentait de voir sa fille hériter déjà si heureusement de son excellent jugement et de son discernement, qu’il fallait espérer qu’elle réussirait avec l’âge à en avoir autant qu’elle, Mme Nickleby termina son interminable lettre.

Les réflexions de la pauvre Catherine n’étaient pas si gaies, surtout quand elle eut reçu ce message presque illisible, qui n’était guère qu’une félicitation en quatre pages bien serrées, écrites en long et en travers, sur le triste sujet qui ne lui avait pas permis de fermer l’œil de toute la nuit, et qui l’avait tenue éveillée et tout en pleurs dans sa chambre. Le pis encore, c’est que, pour ajouter à ces épreuves, il n’en fallait pas moins, de toute nécessité, faire l’aimable auprès de Mme Wititterly, qui, se sentant fort abattue après la fatigue de la soirée précédente, devait naturellement attendre que sa demoiselle de compagnie (puisqu’elle était payée pour cela) se mettrait en frais de belle humeur.

Passons sur les réflexions de M. Wititterly : celui-là ne fit pas