Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/397

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— Y a-t-il quelqu’un, lui demanda M. Pluck d’un air mystérieux, quelqu’un de votre connaissance dont Mme Wititterly vous rappelle le profil ?

— Me rappelle le profil ? répondit Pyke. Certainement.

— Et bien ! qui cela ? dit Pluck toujours avec le même air de mystère. La duchesse de B… ?

— Non, la comtesse de B…, répliqua Pyke avec la trace visible à peine d’un sourire moqueur dans le coin de ses lèvres vous savez que des deux sœurs la plus belle c’est la comtesse et non pas la duchesse.

— C’est vrai, dit Pluck, la comtesse de B… C’est une ressemblance merveilleuse.

— Ce qu’il y a de plus saisissant, » dit Pyke.

En voilà un succès ! Voyez-vous d’ici Mme Wititterly proclamée, sur le témoignage de deux témoins fidèles et compétents, le portrait véritable d’une comtesse ! Voilà ce qu’on gagne à fréquenter la bonne société. Elle serait bien restée vingt-quatre ans à patauger dans la société des gens de rien sans jamais entendre de pareils compliments. Et comment aurait-elle pu l’entendre ? ces gens-là savaient-ils seulement ce que c’est qu’une comtesse ?

Les deux gentlemen s’étant assurés, en voyant avec quelle avidité elle mordait à l’hameçon, qu’ils pourraient oser beaucoup en fait d’adulations contre cet appétit vorace, commencèrent à lui administrer ce doux poison à grandes doses ; ce qui donnait à sir Mulberry Hawk tout le temps d’ennuyer Mlle Nickleby de questions ou d’observations auxquelles elle ne pouvait se dispenser de répondre. Lord Verisopht, pendant ce temps-là, s’amusait à sa manière, sans crainte des jaloux : il respirait le parfum de la pomme d’or qui couronnait le bout de sa canne, en la portant toujours à son nez : il y serait encore si M. Wititterly, en rentrant chez lui, n’eût ramené la conversation à son sujet de prédilection.

« Milord, dit-il, je suis charmé, honoré, fier ; je vous en prie, milord, restez assis, ne vous dérangez pas ; oui, fier, très fier. »

Mme Wititterly n’en était pas plus contente. Elle aurait bien voulu contenir la joie indiscrète de son mari. Elle aussi crevait d’orgueil dans sa peau ; mais elle n’aurait pas été fâchée de laisser croire à ses illustres hôtes que leur visite n’était pour elle qu’un événement tout simple et tout ordinaire, et qu’il ne se passait pas de jour dans la semaine qu’elle ne vît chez elle des lords et des baronnets.