Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/61

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de Nicolas et une expression de surprise qui n’était pas dissimulée, voilà en vérité des avantages positifs.

— Je puis vous en répondre, monsieur, continua M. Squeers plongeant ses deux mains dans les poches de son paletot. Je puis donner, comme je demande moi-même en retour, les garanties les plus solides. Je ne voudrais pas prendre un enfant qui ne présenterait pas un répondant prêt à payer les cinq livres cinq shillings de chaque quartier ; non certainement, je ne les prendrais pas, quand vous me le demanderiez à deux genoux avec des larmes grosses comme le poing.

— C’est de la haute prudence, dit le voyageur.

— La prudence est en effet l’une de mes qualités favorites, monsieur, répliqua Squeers… Snawley junior, si vous ne finissez pas de faire claquer vos dents et de frissonner comme vous faites, je m’en vais vous réchauffer tout à l’heure avec une bonne raclée.

— En place, messieurs, tenez-vous bien, dit le conducteur en montant sur le siège.

— Est-ce fini, là-bas derrière, Dick ? cria le cocher.

— Oui, marche ! fut la réponse. Eh bien ! le voilà qui marche. »

Et en effet, il se mit en marche, le véhicule assez mal nommé diligence, au milieu d’une éclatante fanfare à son de trompe et du témoignage d’une approbation flatteuse de tous les amateurs de chevaux et de voitures assemblés devant l’hôtel du Paon, mais plus particulièrement des valets de service qui se tenaient là, les bras retroussés, à regarder la voiture jusqu’à ce qu’elle disparût à leurs yeux ; après quoi ils regagnèrent lentement les écuries, exprimant dans leur langage grossier leur admiration de l’habileté du cocher au détour.

Quand le conducteur (un robuste enfant du Yorkshire vieilli dans le métier) eut soufflé dans sa trompe à perte d’haleine, il la remit dans un petit cornet d’osier attaché ad hoc le long de la caisse, et faisant pleuvoir sur sa poitrine et sur ses épaules une averse de coups de poing en cadence pour se réchauffer, fit l’observation qu’il ne faisait pas chaud du tout. Puis il demanda à chaque personne, à tour de rôle, si elle allait jusqu’au bout, ou bien en quel endroit elle voulait descendre. Ces informations prises, il ajouta que le chemin était devenu joliment mauvais depuis hier au soir, et prit la liberté de demander si quelqu’un de ces messieurs n’avait pas sur lui une tabatière. Personne n’ayant répondu à cet appel, il fit d’un air mystérieux la remarque qu’il avait entendu dire à un médecin qui se rendait à Gran-