Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/92

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Je la lui ferais bien passer à coups de canne, moi ; voilà plus de six mois que je vous le dis.

— Je ne l’ai pas oublié, m’amour, reprit Squeers. Nous verrons ce qu’il y a à faire. »

Pendant ces tendres épanchements, Nicolas était resté debout, d’un air assez gauche, au milieu de la chambre, ne sachant pas s’il était de trop, et s’il devait se retirer dans le couloir ou rester à sa place. M. Squeers ne le laissa pas longtemps dans cette incertitude.

« Voici, dit-il, ma chère, le nouveau jeune homme.

— Ah ! répliqua Mme Squeers, faisant un signe de tête pour tout salut à Nicolas, et le toisant froidement des pieds à la tête.

— Il va manger avec nous ce soir, dit Squeers, et ira avec les élèves demain matin. Vous pouvez lui dresser un lit de sangle pour cette nuit, n’est-ce pas ?

— Il faudra toujours bien qu’on s’arrange, reprit la dame. Vous ne vous occupez pas beaucoup de savoir comment vous couchez, monsieur, je suppose ?

— Ah ! certainement, répondit Nicolas, je ne suis pas difficile.

— Cela se trouve bien, dit Mme Squeers. » À cette heureuse repartie, M. Squeers se mit à rire de tout son cœur, s’attendant à voir Nicolas en faire autant.

Après quelques nouveaux chuchotements entre le maître et la maîtresse sur le succès de la tournée que venait de faire M. Squeers à Londres, sur les gens qui avaient payé, sur ceux qui avaient demandé des délais, etc., une jeune servante vint servir sur la table une tourte du Yorkshire et du bœuf froid, en même temps que M. Smike apparut, un pot d’ale à la main.

M. Squeers était en train de tirer des poches de son paletot des lettres destinées à différents élèves, et d’autres menus objets qu’il avait apportés de son voyage. Le jeune garçon jetait de côté un regard inquiet et timide sur les papiers, dans une espérance fiévreuse qu’il pourrait y en avoir quelqu’un à son adresse. Regard vraiment pénible et qui alla tout de suite au cœur de Nicolas ; car il y avait dans ce seul coup d’œil toute une longue et triste histoire.

Ce fut pour lui une occasion de le considérer plus attentivement, et il fut frappé tout d’abord de l’extraordinaire bigarrure des vêtements qui composaient son costume. Quoiqu’il dût avoir au moins dix-huit ou dix-neuf ans, et qu’il fût même assez grand pour cet âge, il portait un habillement enfantin tel qu’on le voit