Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/97

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Nicolas, resté seul, fit cinq ou six fois à grands pas le tour de sa chambre dans un état d’agitation nerveuse facile à concevoir ; mais il se calma par degrés, s’assit sur une chaise, se raisonna, et finit par se promettre, coûte que coûte, de faire, en attendant mieux, tous ses efforts pour supporter les maux qu’il allait avoir à subir encore ; car il se rappelait le dénuement de sa mère et de sa sœur, et ne voulait pas donner à son oncle le moindre prétexte de les abandonner dans leur malheur. Il est rare qu’une bonne résolution ne produise pas un bon effet sur l’âme qui l’a prise. Il se sentit moins découragé, et même (voyez un peu l’ardeur et la vivacité de la jeunesse !) il alla jusqu’à se flatter de l’espérance qu’il ne serait peut-être pas si mal à Dotheboys-Hall qu’il en avait l’air.

Il allait donc se mettre au lit avec une petite recrudescence de bonne humeur, quand il fit tomber de la poche de son habit une lettre cachetée. Dans son ahurissement en quittant Londres, il n’y avait plus pensé et ne l’avait pas revue depuis, mais il se rappela aussitôt la conduite mystérieuse de Newman Noggs.

« Ah ! mon Dieu ! dit Nicolas, quelle singulière écriture ! »

La lettre était à son adresse, écrite sur un papier dégoûtant, et les caractères en étaient presque illisibles à force d’être tremblés et griffonnés. Il eut bien du mal à se tirer de là, mais pourtant il finit par réussir à lire ce qui suit :

« Mon cher jeune homme,

« Je connais le monde : votre père ne le connaissait pas, c’est ce qui fait que, dans une occasion, il a été bon pour moi, qui ne pouvais pas le lui rendre. Vous, vous ne le connaissez pas non plus, c’est ce qui fait que vous vous êtes décidé à ce voyage.

« Si jamais vous avez besoin d’un toit à Londres (ne vous fâchez pas ; il fut un temps où je n’aurais jamais cru en avoir besoin), adressez-vous à l’enseigne de la Couronne, Silver-Street, Golden-square : on vous dira là où je demeure. C’est au coin de Silver-Street et de James-Street : il y a à la maison une porte grillée qui donne sur les deux rues : vous pouvez venir la nuit. Autrefois personne ne se serait cru déshonoré de… mais ne parlons plus de ça. C’est une affaire finie.

« Excusez mes fautes. Je ne sais plus ce que c’est que de porter un habit qui n’est pas rapiécé. J’ai perdu toutes mes anciennes habitudes ; mon orthographe peut bien avoir suivi le reste.

« Newman Noggs. »