Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/119

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de là dans une arrière-cuisine, ou, si vous l’aimez mieux, dans une cave où ils s’arrêtèrent, engloutis dans la plus sombre obscurité.

« Ah ça ! dit Nicolas tout bas, d’un ton peu satisfait, je suppose que ce n’est pas là tout, n’est-ce pas ?

— Non, non, répondit Noggs ; elles vont être ici dans la minute. Tout va bien.

— Je suis bien aise de vous entendre m’en donner l’assurance ; j’avoue que je ne l’aurais pas cru. »

Ils n’échangèrent plus une parole. Nicolas, debout, entendait seulement la respiration bruyante de Newman Noggs, et croyait voir briller son nez rouge comme une braise au milieu des ténèbres dans lesquelles ils étaient ensevelis. Tout à coup un bruit de pas discrets frappe son oreille, et immédiatement après une voix de femme demande si le gentleman n’est pas là.

« Si, répondit Nicolas se retournant vers le coin d’où la voix se faisait entendre. Qui est-ce qui est là ?

— Oh ! ce n’est que moi, monsieur, répondit la voix… Maintenant, si vous voulez venir, madame ? »

Une lumière lointaine vint éclairer la cuisine, puis la servante entra, portant une chandelle, et suivie de sa jeune maîtresse, qui semblait accablée de pudeur et de confusion.

À la vue de la demoiselle, Nicolas tressaillit et changea de couleur. Son cœur battit avec violence, et lui restait là comme s’il eût pris tout à coup racine dans le sol. Au même instant, car la demoiselle et la chandelle avaient à peine eu le temps d’entrer ensemble, on entend à la porte de la rue un furieux coup de marteau qui fait sauter Newman Noggs avec une agilité surprenante, du baril de bière sur lequel, nouveau Bacchus, il s’était assis à califourchon, et il s’écrie brusquement, la figure pâle comme un linge : « Crevisse, morbleu ! »

La demoiselle jeta un cri perçant : la servante se tordit les mains : Nicolas portait de l’une à l’autre ses regards stupéfaits : Newman courait de droite à gauche, fourrant les mains successivement dans toutes les poches qu’il possédait, et en retournant la doublure dans l’excès de son irrésolution. Cela ne dura qu’un moment, mais assez pour accumuler en une minute tout ce que l’imagination peut rêver de plus abominable confusion.

« Sortez, au nom du ciel ! Nous avons eu tort, c’est Dieu qui nous punit, cria la demoiselle. Sortez, ou je suis perdue sans ressource.

— Voulez-vous me permettre de vous dire un mot, cria Ni-