Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/184

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puisse souhaiter. Je ne crois pas que jamais ils aient leurs pareils, les Peltirogus. Vous vous rappelez, Catherine, les Peltirogus ?

Catherine vit bien que, dans l’intérêt des visiteurs, il était temps d’arrêter ce flux de réminiscences. Aussi répondit-elle à l’instant qu’elle avait conservé des Peltirogus un souvenir présent et vivant ; puis elle se hâta d’ajouter que M. Browdie avait à moitié promis, au commencement de la soirée, de chanter à la société une chanson du Yorkshire, et qu’elle le sommait de remplir sa promesse, persuadée que sa mère aurait à l’entendre un plaisir inexprimable. Mme Nickleby soutint sa fille de la meilleure grâce du monde, d’autant plus qu’il y avait là-dedans deux choses qui la flattaient secrètement : une espèce de patronage et de protection d’abord à exercer sur les Browdie, et puis la reconnaissance implicite de son goût supérieur, et comme une réputation de connaisseur en pareille matière. John Browdie commença donc à chercher dans sa tête les mots d’une chansonnette du Nord, et à s’aider de la mémoire de sa femme, puis il se livra, sur sa chaise, à divers mouvements et balancements qui n’eurent pas l’effet désiré de mieux le mettre sur la voie.

Alors il choisit pour point de mire le plafond, afin de mieux fixer ses souvenirs, une mouche en particulier au milieu de toutes ses camarades endormies, et se mit à chanter d’une voix de tonnerre une romance sentimentale dont l’auteur avait mis les paroles dans la bouche d’un berger mélancolique qui se mourait de désespoir et d’amour. Il avait à peine fini le premier couplet, car c’était comme un fait exprès, qu’il fut brusquement interrompu par un coup de marteau si violent et si fort à la porte de la rue que les dames en tressaillirent, et que John Browdie s’arrêta tout court.

« Ce ne peut être qu’une méprise, dit Nicolas sans y attacher d’importance, nous ne connaissons personne qui puisse nous rendre visite à cette heure de la nuit. »

Cependant Mme Nickleby n’était pas aussi tranquille : elle fit une foule de suppositions en un moment. Peut-être que la maison Cheeryble venait d’être incendiée ; peut-être que les bons frères avaient envoyé prévenir Nicolas qu’ils leur donnaient un intérêt dans leur société (jugez comme l’heure était bien choisie pour lui faire cette communication !) ; ou peut-être encore que M. Linkinwater s’était sauvé avec la caisse, ou peut-être que miss la Creevy était malade, ou peut-être que…

Mais elle fut arrêtée dans ses conjectures par une exclamation