Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/187

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— Pour ce qui est de cela, vous savez que vous mentez, dit Nicolas fièrement.

— Pour ce qui est de cela, je sais que je dis la vérité ; nous avons ici son père.

— Ici même, dit M. Squeers ricanant et faisant un pas en avant ; vous entendez bien ? Ici. Est-ce que je ne vous avais pas bien dit de prendre garde que son père ne vînt vous le reprendre pour me le renvoyer ? Eh bien ! il se trouve justement que son père est mon ami : ainsi, je vais le ravoir et tout de suite. Hein ! que dites-vous de cela ? Je suis sûr que vous regrettez de vous être donné tant de mal pour si peu de profit, n’est-ce pas ?

— Ce n’est toujours pas pour rien, dit Nicolas en détournant la tête ; car vous portez sur le corps certaines marques bien réelles dont vous m’êtes redevable et qui vous démangeront longtemps. Vous ne risquez rien de les frotter à votre aise quelques mois encore pour les faire disparaître, monsieur Squeers. »

Piqué de cette réponse, l’estimable instituteur porta un coup d’œil rapide sur la table comme s’il y cherchait un cruchon ou une bouteille pour les jeter à la tête de Nicolas ; mais, s’il en eut un instant la pensée, il en fut bientôt détourné par Ralph, qui, le prenant par le coude, lui rappela qu’il était temps de faire entrer le père pour réclamer son enfant.

Ravi d’être choisi pour cette mission toute d’affection paternelle, M. Squeers se hâta de sortir, et revint presque aussitôt escortant un personnage luisant, à la figure huileuse, qui, s’échappant aussitôt de ses bras et présentant à la compagnie les traits et la tournure de M. Snawley, se précipita sur Smike, et, fourrant sous son bras la tête du pauvre garçon, en manière d’embrassement un peu rude, éleva bien haut dans le vide de l’air son chapeau à larges bords en signe de reconnaissance profonde pour le ciel qui lui rendait l’objet de son amour et s’écriant en même temps : « Ah ! qui m’aurait dit la dernière fois que je l’ai vu que c’est ici que j’aurais le bonheur de le retrouver encore ! j’étais bien loin de le penser.

— Tranquillisez-vous, monsieur, dit Ralph avec une expression de sympathie qui jurait avec son ton habituel, à présent vous le tenez bien.

— Je le tiens ; ah ! n’est-ce pas que je le tiens enfin ? c’est donc bien vrai que je le tiens ! cria M. Snawley, qui ne voulait pas en croire son bonheur ; oui, c’est bien lui, c’est lui en chair et en os !