Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE XIX.

Au moment où le complot de M. Ralph Nickleby et de son ami touche au succès, la mèche est éventée par un tiers qu’ils n’avaient pas admis dans leur confidence.

Dans une vieille maison, horriblement sombre et poudreuse, qui semblait être tombée en décrépitude avec son maître, et avoir pris avec lui les rides et le teint jaunâtre de la vieillesse, à force de la tenir cachée à la lumière du jour, comme lui à force de tenir son argent caché dans ses coffres, demeurait Arthur Gride. On y voyait rangées, dans un ordre monotone, le long des murs obscurs, de vieilles chaises et de vieilles tables qui n’avaient pas coûté cher de façon, aux formes massives, roides et froides comme des cœurs d’avares. On y voyait des armoires amincies par l’usage, molles et flexibles à force de s’être ouvertes et fermées sur les tiroirs qu’elles renfermaient, tremblotantes au moindre mouvement (sans doute par appréhension et par crainte des voleurs), qui se blottissaient dans des coins sombres d’où elles ne pouvaient projeter d’ombre sur le parquet, et où on aurait dit qu’elles étaient allées se tapir pour se dérober aux regards. Sur l’escalier, une grande pendule toute renfrognée, avec ses longues aiguilles toutes maigres, et sa face affamée, son balancier monotone, dont le tic tac parlait tout bas prudemment, sa sonnerie, dont le timbre faible et languissant, semblable à la voix cassée d’un vieillard, râlait en marquant l’heure, comme un homme qui meurt de faim sur la paille.

N’ayez pas peur qu’il y eût là, auprès du feu, quelque bon canapé pour vous inviter au bien-être et au repos ; il y avait des fauteuils, c’est vrai, mais ils paraissaient mal à leur aise. Ils retroussaient leur bras d’un air soupçonneux et timide, comme des gens qui se tiennent sur leurs gardes. Il y en avait d’autres dont les formes grêles et élancées pouvaient faire croire qu’ils s’étaient redressés de toute leur hauteur pour effaroucher, de leurs regards les plus effrayants, l’imprudent visiteur qui s’aventurerait à les prendre. D’autres, encore, s’appuyaient sur leurs voisins ou s’accotaient, pour se soutenir, contre le mur, peut-être pour déployer, avec une certaine ostentation, toute leur incommodité, ayant l’air de prendre les gens à témoin qu’ils ne