Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/291

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Mais si Nicolas ne trouvait dans son cœur qu’une affliction stérile, au lieu d’y trouver des ressources, heureusement celui de Newman ne lui manqua pas ; il y avait dans ses remontrances et dans ses conseils un fond d’intérêt si pressant, et dans ses manières tant de sincérité et de chaleur, que, malgré leur forme étrange et bizarre, elle n’en donnaient pas moins à Nicolas une nouvelle vigueur ; et ce fut grâce à cet utile secours qu’après avoir continué de marcher avec lui un bout de chemin en silence, il put dire à son ami :

« Je vous remercie de vos bons conseils, Newman, et j’en profiterai. Il y a encore une démarche que du moins je puis faire, que je dois faire, et je m’en occuperai demain.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Noggs avec inquiétude ; surtout vous ne voulez pas aller menacer Ralph ? Vous ne voulez pas aller voir le père ?

— Non, Newman, répondit Nicolas, c’est la fille que je veux aller voir. Je veux faire tout ce qu’auraient pu faire, après tout, les frères eux-mêmes s’ils avaient été ici, comme malheureusement ils n’y sont pas. Je veux discuter avec elle cette union monstrueuse, lui montrer toutes les horreurs de la situation où elle se précipite, peut-être par un entraînement téméraire et faute de réflexion. Je veux la prier au moins de prendre du temps. Il ne lui a peut-être manqué qu’un bon conseil pour la sauver : qui sait si ce n’est pas à moi qu’il est réservé de lui faire faire ces réflexions salutaires, quoiqu’il soit déjà bien tard et qu’elle soit suspendue sur le bord de l’abîme ?

— Voilà de braves paroles, dit Newman ; à la bonne heure, bravo ! oui, c’est très bien !

— Et croyez-en ma parole, continua Nicolas dans son honnête enthousiasme. Dans cet effort que je veux faire, il n’y a ni égoïsme, ni intérêt personnel ; il n’y a que de la pitié pour elle, de l’horreur et du mépris pour les machinations auxquelles elle est près de succomber. Il y aurait là vingt rivaux, et vingt rivaux préférés, à me disputer mon amour, que je le ferais tout de même.

— Oui, vous le feriez, j’en suis sûr ; mais où donc courez-vous comme cela ?

— À la maison, répondit Nicolas ; venez-vous avec moi, ou s’il faut que je vous dise bonsoir ?

— Je vous accompagnerai encore un peu, si vous voulez me promettre seulement de marcher, et non pas de courir comme vous faites, dit Noggs.

— Non, pas ce soir, dit vivement Nicolas ; je ne puis pas