Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/335

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— Encore un mot ! cria Ralph, la bouche écumante.

— Pas un mot, répliqua Nicolas ; ou plutôt, écoutez bien le dernier que je vous adresse : Faites attention à vous, et rappelez-vous bien l’avertissement que je vous donne ; le jour décline pour vous, la nuit commence…

— Malédiction ! oui, ma plus mortelle malédiction sur vous, petit drôle !

— Et qui est-ce qui voudra se charger d’accomplir vos malédictions ? Malédictions ou bénédictions d’un homme comme vous, que valent-elles ? Je vous dis que la vérité se fait jour, que le malheur s’amoncelle sur votre tête, que tout l’édifice des plans odieux que vous avez élevé à grand’peine pendant toute votre vie s’écroule et tombe en poussière, que vous ne faites plus un pas qui ne soit surveillé, qu’aujourd’hui même deux cent cinquante mille francs de votre fortune mal acquise ont disparu dans une grande ruine.

— C’est faux ! s’écria Ralph reculant d’horreur.

— C’est vrai, et vous allez bien le savoir. À présent, je n’ai plus de mots à perdre avec vous. Ôtez-vous de la porte ; Catherine, sortez la première… Surtout gardez-vous de porter la main sur elle, ou sur cette jeune fille, ou sur moi ; gardez-vous d’effleurer seulement leur robe… Passez, ma sœur, vous allez voir s’il va encore bloquer la porte. »

Arthur Gride, dans son trouble ou par malice, se trouva sur le passage ; Nicolas l’écarta avec une telle violence, que l’autre se mit à pirouetter tout autour de la chambre, jusqu’à ce qu’il rencontrât un coin de la muraille qui l’étendit par terre tout de son long. Alors, prenant la jeune fille, il se précipita dehors, l’emportant dans ses bras victorieux. Personne ne témoigna l’envie de l’arrêter en route. Perçant au travers de la populace que le bruit de tous ces incidents avait amassée autour de la maison, et portant, dans son émotion, Madeleine aussi aisément qu’il eût fait d’un enfant, il arriva à la voiture où l’attendaient Catherine et la servante, leur confia la jeune fille, et sauta sur le siège près du cocher, qui toucha les chevaux et partit.