Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/348

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le sauver, c’était de l’éloigner de Londres au plus vite. On lui désigna, comme la résidence la plus favorable, la partie du Devonshire où Nicolas avait été élevé lui-même. Mais on ne lui laissa pas ignorer, avec tous les ménagements qu’on put prendre, que, quelle que fût la personne qui l’y accompagnerait, elle devrait s’attendre à tout, car tous les symptômes d’une consomption rapide s’étaient déclarés, et il était bien possible qu’il n’en revînt jamais.

Les bons frères, qui connaissaient déjà le triste état du pauvre Smike, avaient envoyé Timothée pour assister à la consultation. Le jour même, frère Charles appela Nicolas dans son cabinet et lui dit :

« Mon cher monsieur, il n’y a pas de temps à perdre. Il ne faut pas laisser mourir ce pauvre garçon, sans avoir mis en usage les derniers moyens de lui sauver la vie. Il ne faut pas non plus qu’on le laisse mourir seul, dans un pays où il serait étranger. Emmenez-le demain matin, veillez à ce qu’il ne lui manque aucun des soins que réclame son état, et ne le quittez pas, ne le quittez pas, mon cher monsieur, avant d’avoir reconnu qu’il n’y a plus de danger immédiat. Il y aurait de la cruauté à vous séparer en ce moment l’un de l’autre ; non, non ! Timothée ira vous voir ce soir et vous faire ses adieux… Frère Ned, mon cher ami, M. Nicolas est là pour vous serrer la main avant son départ. M. Nickleby ne sera pas longtemps absent. Ce pauvre garçon va se remettre promptement, très promptement, et alors on trouvera là-bas quelques bonnes gens, quelques honnêtes villageois à qui on pourra le confier, et M. Nickleby ira et viendra de temps en temps, n’est-ce pas, frère Ned ? et il aurait tort de se laisser aller au chagrin ; son ami se remettra promptement, j’en suis sûr, n’est-ce pas, frère Ned, n’est-ce pas ? »

Il est inutile de dire pourquoi Timothée vint le soir même au cottage, et la mission dont il était chargé. Dès le lendemain matin, Nicolas se mit en route avec son camarade défaillant.

Personne, personne, excepté celui qui n’avait jamais trouvé ailleurs que chez les amis réunis à son départ un regard de tendresse ou une parole de pitié, ne pourrait exprimer les angoisses de l’âme, les pensées amères, le chagrin stérile qui empoisonnaient pour lui cette séparation dernière.

« Regardez, criait Nicolas avec vivacité en passant la tête à la portière, regardez, Smike, ils sont encore là tous au coin du sentier. Et tenez ! voici Catherine, cette pauvre Catherine à qui vous disiez que vous n’auriez jamais le courage de dire adieu. La