Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/360

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En voyant que M. Squeers en était réduit à ne plus répondre que par un sourire forcé et des haussements d’épaules : « Vous voyez bien, lui dit Ralph, que vous ferez mieux de vous taire et de me remercier de tous ces avantages. » Puis, fixant sur lui un regard assuré, il se mit à lui raconter les derniers événements.

Premièrement, comment Nicolas était venu lui mettre des bâtons dans la roue à propos d’un projet de mariage qu’il avait formé pour certaine demoiselle, et avait profité de la confusion où les avait jetés la mort subite du père pour s’adjuger à lui-même la jeune personne, et l’emmener en triomphe.

Secondement, qu’en vertu d’un contrat ou d’un testament, dans tous les cas d’un acte authentique, au profit de la demoiselle, et qu’on pourrait aisément trier dans les autres papiers, si on pouvait une fois s’insinuer dans l’endroit où il était déposé, elle se trouvait héritière d’un bien considérable, sans le savoir ; mais que, si elle avait une fois connaissance du titre, elle en avait assez pour faire de son mari (notez que ce serait Nicolas, sans aucun doute) un homme riche et fortuné, c’est-à-dire un ennemi des plus redoutables.

Troisièmement, que ce titre se trouvait mêlé à d’autres papiers volés à un homme qui les avait lui-même obtenus ou recélés d’une manière frauduleuse, ce qui l’empêchait de se hasarder à faire des poursuites judiciaires, et que lui, Ralph, connaissait la personne qui les avait volés.

M. Squeers prêtait avec avidité l’oreille à ces détails intéressants ; il en dévorait chaque syllabe, ouvrant la bouche toute grande, aussi bien que son œil unique, et s’étonnant en lui-même des raisons particulières qui lui valaient l’honneur d’une pareille confidence de la part de Ralph, sans savoir encore où il voulait en venir.

« Maintenant, dit Ralph, se penchant en avant vers son auditeur et lui plaçant la main sur l’épaule, écoutez bien le plan que j’ai conçu et qu’il faut, quand je l’aurai mûri, mettre à exécution. Il n’y a personne que la jeune fille et son mari qui puisse tirer aucun profit de ce titre, et ils ne peuvent eux-mêmes en tirer aucun avantage que s’ils s’en procurent la possession : c’est un point que j’ai découvert et qui ne souffre pas l’ombre d’un doute. Eh bien ! c’est cet acte qu’il me faut entre les mains, et celui qui me l’apportera, je lui donnerai cinquante guinées en beaux louis d’or, et je brûlerai le titre devant lui. »

M. Squeers, après avoir suivi de l’œil le mouvement de Ralph qui étendait la main vers le foyer pour faire le geste d’un