Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/37

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plaisir de le considérer, et que le gentleman le prît plus d’une fois sur le fait. Nicolas, à chaque fois, rougissait d’un air embarrassé ; car le fait est qu’il s’était déjà demandé si, par hasard, l’étranger ne serait pas venu là chercher un employé ou un secrétaire, et lui semblait que, dans ce cas, le vieux monsieur devait lire son secret écrit sur sa figure.

Tout cela fut l’affaire de quelques minutes, bien que les détails en soient plus longs dans un conte. L’étranger allait partir quand Nicolas, rencontrant ses yeux, se vit pris encore une fois en flagrant délit, et, dans son embarras, balbutia un mot d’excuse.

« Il n’y a pas de mal à cela ; oh ! mon Dieu ! il n’y a pas de mal, » dit le bon vieillard.

Ces paroles furent dites d’un ton si amical et d’une voix qui répondait si bien à la bonne mine de l’étranger, enfin avec une telle cordialité de manières, que Nicolas se sentit encouragé à dire quelques mots de plus.

« Voilà un grand choix de bonnes occasions, monsieur, dit-il avec un demi-sourire en montrant la croisée du bureau.

— Oui ; il y a déjà bien des gens à la recherche d’un emploi qui s’y sont laissé prendre ; ce n’est pas aujourd’hui, ma foi ! les pauvres garçons ! les pauvres garçons ! »

En même temps il se mit en route ; mais, croyant voir que Nicolas ouvrait la bouche pour lui parler, il ralentit complaisamment son pas, comme s’il ne voulait pas le désobliger en le quittant trop brusquement. Il y eut donc entre eux un moment de cette hésitation que l’on voit quelquefois dans la rue entre deux passants qui se sont fait de la tête un signe de reconnaissance, mais qui ne savent pas trop s’ils doivent revenir sur leurs pas pour s’aborder, ou s’ils doivent continuer leur chemin ; Nicolas finit pourtant par se trouver côte à côte avec le vieux gentleman.

« Vous vouliez parler, jeune homme ? Qu’est-ce que vous vouliez me dire ?

— Oh ! rien ; seulement que j’espérais presque, ou plutôt que je m’imaginais que vous aviez quelque raison de venir consulter ces annonces.

— Ah ! et quelle raison ? voyons, quelle raison ? répliqua le bon vieux en jetant un regard en coulisse à Nicolas. Vous pensiez peut-être que je venais chercher une place ; hein ! n’est-ce pas vrai ? »

Nicolas secoua la tête vivement pour combattre cette supposition.

« Ah ! ah ! dit en riant le gentleman qui se frottait et se tor-