Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/388

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être monté ; mais chaque personne, l’une après l’autre, tournait sur le palier pour entrer dans quelque chambre voisine, sans arriver jusqu’à l’endroit où il croquait le marmot, et c’était pour lui autant de désappointements qui lui faisaient sentir de plus en plus sa solitude et redoublaient ses frissons d’inquiétude.

Il finit par perdre l’espérance de le voir revenir, et, descendant un étage, il demanda à un voisin s’il savait où pouvait être M. Squeers, qu’il désigna par un nom de guerre convenu. Le voisin le renvoya à un autre, celui-là à un troisième, qui lui apprit que la veille au soir, assez tard, il était sorti précipitamment avec deux hommes qui étaient revenus peu de temps après chercher aussi une vieille femme qui demeurait sur le même carré. Cette circonstance avait paru assez singulière au locataire pour piquer sa curiosité, mais il ne leur avait pas parlé, et ne s’en était plus occupé.

Il lui vint à l’idée qu’il était possible qu’on eût arrêté Peg Sliderskew pour vol, et M. Squeers par la même occasion, comme se trouvant dans ce moment-là avec elle, sous prévention de complicité. En ce cas, Gride devait le savoir, et il alla de ce pas chez Gride ; Il commençait à ressentir de vives alarmes ; n’y aurait-il pas quelque plan concerté pour amener sa déconfiture et sa ruine ?

Arrivé à la porte de l’usurier son compère, il trouva les fenêtres hermétiquement fermées ; les jalousies délabrées étaient baissées : tout était silencieux, triste, désert. Mais, comme c’était assez l’aspect ordinaire de la maison, il ne s’en émut pas. Il frappe, doucement d’abord, puis plus fort, puis d’un bras vigoureux : personne ne répond. Il écrit au crayon quelques mots sur sa carte, la glisse sous la porte et se dispose à partir, lorsqu’il entend soulever furtivement un châssis de fenêtre, lève la tête et ne fait qu’entrevoir la figure de Gride en personne, qui regardait avec précaution d’une croisée du grenier, par-dessus le parapet de la maison, mais qui, en reconnaissant son visiteur, disparaît à l’instant : pas assez vite pourtant pour que Ralph n’eût pas observé ce manège. « Descendez donc, » lui cria-t-il.

À la seconde sommation, Gride reparaît, mais avec de si grands soins pour se dissimuler, qu’on ne voyait sur l’horizon que ses traits anguleux et ses cheveux blancs par-dessus le parapet : on aurait dit une tête coupée tout exprès pour décorer l’entablement.

« Chut ! se mit-il à crier. Allez-vous-en… allez-vous-en.

— Descendez donc, répéta Ralph, en lui faisant signe d’en bas.