Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/412

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elle lui eut vu ouvrir les yeux, elle se pencha sur lui pour l’embrasser.

« Je suis venue vous dire combien je suis heureuse de vous voir de retour à la maison.

— Et moi, Catherine, je ne saurais vous dire tout le plaisir que j’ai de vous revoir.

— Nous soupirions tant après votre retour ! reprit Catherine, maman et moi… et Madeleine.

— Ne me disiez-vous pas, dans votre dernière lettre, qu’elle était tout à fait bien à présent ? dit Nicolas vivement, en rougissant ; n’a-t-il pas été question, depuis mon départ, de quelques arrangements que les frères Cheeryble ont en vue pour elle ?

— Oh ! pas un mot de cela, répondit Catherine ; je ne saurais songer à me séparer d’elle sans un vrai chagrin ; et vous, Nicolas, sans doute vous ne le désirez pas non plus ? »

Nicolas rougit encore, et s’asseyant près de sa sœur à la fenêtre, sur un petit canapé :

« Non, Catherine, dit-il, non, je ne le désire pas ; je ne ferais pas à d’autres l’aveu de mes véritables sentiments, mais à vous, Catherine, je vous dirai franchement et simplement… que je l’aime. »

Les yeux de Catherine s’enflammèrent, et elle allait ouvrir la bouche pour répondre, quand Nicolas, lui mettant la main sur son bras, continua ainsi :

« Que personne n’en sache rien que vous !… elle, surtout !

— Cher Nicolas !

— Elle, surtout !… Jamais, quoique ce soit bien long, jamais. Quelquefois j’aime à penser qu’il doit venir un temps où je pourrai le lui dire sans crainte. Mais c’est si loin, dans un horizon si reculé ; il faut qu’il se passe tant de temps d’ici-là, et, quand le moment viendra, s’il vient toutefois, je me ressemblerai si peu à moi-même, j’aurai depuis si longtemps dépassé mes jours de jeunesse romanesque, sans que rien altère pourtant mon amour pour elle, que je ne puis m’empêcher de reconnaître que de pareilles espérances sont de pures chimères. Alors j’essaye de les étouffer de mes propres mains, et de surmonter ma peine, plutôt que de les voir se flétrir à la longue et me faire mourir à petit feu. Non, Catherine ; depuis mon départ, j’ai eu perpétuellement devant les yeux, dans ce pauvre garçon que nous avons perdu, un exemple de plus de la libéralité généreuse de ces nobles frères. Je veux en être digne autant qu’il est en moi, et, si j’ai jamais auparavant chancelé dans mon devoir vigoureux, je n’en