Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/443

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

linge, qui le fit gigoter avec plus de violence que jamais, mais sans le décider à faire le moindre effort pour dégager sa tête suffoquée. Nicolas, trouvant l’occasion favorable pour déguerpir, avant d’attirer sur lui le torrent de cette colère féminine, entraîne Catherine, et laisse à l’objet infortuné de cette reconnaissance inattendue le soin d’expliquer, comme il l’entendra, sa conduite.

Le lendemain matin, il se met en route. Le temps était froid ; un vrai temps d’hiver, qui lui rappelait naturellement les circonstances pénibles de son premier voyage sur la même route, avec les changements et les vicissitudes survenues depuis dans son sort. Il fut seul, dans l’intérieur, pendant la plus grande partie du chemin, et, de temps en temps, après avoir fait un somme, il mettait la tête à la portière pour reconnaître quelque endroit devant lequel il se rappelait avoir déjà passé, soit en allant à Dotheboys-Hall, soit en revenant à pied tout du long avec le pauvre Smike. Alors, il avait peine à croire que tout le reste ne fût pas un songe. Il s’imaginait encore être avec lui, harassé de son long voyage sur la route de Londres, sans savoir que devenir dans ce monde tout grand ouvert devant eux.

Pour ajouter à l’illusion, il vint à tomber de la neige pendant la nuit. Et, en traversant Stamford et Grantham, en revoyant le petit cabaret où il avait entendu raconter l’histoire du vaillant baron de Grogzwig, il lui semblait que c’était hier qu’il avait vu tout cela, et que pas un flocon de cette blanche couverture, qui lui cachait les toits, n’avait encore eu le temps de fondre au soleil. Se livrant volontiers à l’entraînement des souvenirs qui se pressaient en foule dans son esprit, il se persuadait sans peine qu’il était encore sur la banquette avec Squeers et ses marmots ; il entendait leurs voix dans l’air. Il entendait dans son cœur, mais cette fois avec un mélange de plaisir qui atténuait sa peine, ses soupirs et ses regrets de la maison de sa mère. Au milieu de ces visions volontaires, il s’endormit, rêva de Madeleine, et tout fut oublié.

Il passa la nuit, à son arrivée, dans l’auberge de Greta Bridge, et, se levant le lendemain de très bonne heure, se rendit au bourg pour s’informer de la maison de John Browdie. Il demeurait dans le faubourg ; c’était à présent un père de famille, et, comme il était connu de tout le monde, Nicolas n’eut pas de peine à trouver un petit garçon pour lui servir de guide jusqu’à sa porte.

Là, il le congédia, et, dans son impatience, ne prenant pas le temps de s’arrêter pour donner un coup d’œil au riant aspect