Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ma chère et tendre enfant, dit Nicolas en l’embrassant, comme vous êtes pâle !

— Ah ! mon cher frère, j’ai été si malheureuse ici ! » Et la pauvre fille sanglotait. « J’ai tant… tant… tant souffert ! Nicolas, mon ami, ne me laissez pas ici, j’y mourrais de chagrin.

— Vous laisser ! répondit Nicolas, je ne vous laisserai plus ni ici, ni ailleurs, Catherine… jamais. » En disant cela, il pleurait malgré lui, plein d’une émotion tendre, en la pressant contre son cœur. « J’ai besoin que vous me disiez, ma sœur, que j’ai fait pour le mieux ; que je ne vous aurais pas quittée si je n’avais pas craint de faire retomber ma disgrâce sur votre tête ; que je n’en ai pas moins souffert que vous ; en un mot, que si j’ai eu quelque tort, c’était sans le savoir et faute de connaître le monde.

— Et pourquoi voulez-vous que je vous dise ce que nous savons tous si bien ? répliqua-t-elle d’un ton à calmer le trouble de son frère. Nicolas !… mon cher Nicolas ! comment pouvez-vous vous laisser attendrir ainsi ?

— Ah ! dit son frère, si vous saviez tous les reproches que je me fais, en voyant les peines par où vous avez passé, en vous retrouvant si changée et pourtant si bonne toujours et si patiente !… Dieu ! cria Nicolas fermant le poing et changeant tout à coup de ton et de physionomie, je sens encore une fois mon sang bouillonner dans mes veines ; il faut que vous sortiez d’ici sur-le-champ avec moi ; vous n’y auriez pas même couché cette nuit, si j’avais su plus tôt ce que je sais. À qui faut-il que je m’adresse pour annoncer que je vous emmène ? »

Cette question ne pouvait venir plus à propos, car M. Wititterly entrait à l’instant même, et Catherine en profita pour lui présenter son frère, qui lui fit part en même temps de son projet et de la nécessité où il était de ne pas le différer d’une minute.

« Vous savez, dit M. Wititterly avec la gravité d’un homme qui tient le bon bout, vous savez que le trimestre n’est pas même à moitié expiré ; par conséquent…

— Par conséquent, reprit Nicolas en l’interrompant, elle doit perdre son trimestre. Monsieur, je vous prie de nous excuser si nous nous montrons si pressés ; mais des circonstances impérieuses exigent que j’éloigne ma sœur à l’instant même, et je n’ai pas un moment à perdre ; si vous voulez bien me le permettre, j’enverrai chercher les effets qu’elle peut avoir ici dans le cours de la journée. »

M. Wititterly s’inclina sans faire la moindre difficulté sur le départ immédiat de Catherine, qui lui faisait d’ailleurs, il faut