Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/61

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ment Nicolas du bout de sa plume, et fit, d’un air grave et décidé, un signe de tête satisfait qui voulait dire clairement : « Il ira. »

Frère Charles y répondit par le même signe de tête, et échangea un bon gros sourire avec frère Ned ; mais justement Nicolas s’arrêta en ce moment, pour passer à une autre page, et Tim Linkinwater, incapable de contenir plus longtemps sa joie, descendit de son tabouret et saisit avec ravissement son jeune ami par la main.

« C’est lui qui a fait cela, dit Timothée se retournant vers ses patrons et remuant la tête d’un air de triomphe. Ses grands B et ses grands D sont exactement comme les miens ; il pointe tous ses I et barre tous ses T à mesure qu’il écrit. Il n’y a pas dans toute la ville de Londres un jeune homme de sa force, ajouta-t-il en donnant une tape sur l’épaule de Nicolas ; il n’y en a pas. Qu’on ne dise pas non. La Cité n’a pas son égal, je l’en défie, la Cité. »

En jetant ainsi le gant à la Cité, Tim Linkinwater frappa sur le pupitre un coup si vigoureux dans son entraînement, que le vieux merle en tomba tout effaré de son perchoir, et rompit son mutisme pour pousser un faible croassement dans le paroxysme de son étonnement.

« Bravo ! Tim, bravo ! cria frère Charles, presque aussi enchanté que Timothée lui-même, et battant des mains de bon cœur : je le savais bien, moi, que notre jeune ami ferait des efforts pour réussir, et je ne doutais pas de son prochain succès. N’est-ce pas que je vous l’ai dit souvent, frère Ned ?

— Oui, mon cher frère, c’est vrai. Et vous aviez bien raison. Tim Linkinwater est hors de lui, mais son émotion est légitime, très légitime. Tim est un joli garçon. Tim Linkinwater, oui, monsieur, vous êtes un joli garçon.

— Mais voyez donc comme c’est agréable ! dit Timothée sans faire attention à cet éloge personnel et en détournant ses lunettes du registre pour les diriger sur les deux frères. Voyez comme c’est agréable ! Croyez-vous que je ne me suis pas souvent demandé avec inquiétude ce que deviendraient après moi ces livres-là ? Croyez-vous que je n’ai pas souvent pensé que, quand je n’y serais plus, les choses pourraient bien aller ici tout de travers ? Mais maintenant, continua-t-il en désignant du doigt Nicolas, maintenant, avec quelques leçons que je lui donnerai encore, je suis tranquille. Les affaires iront leur train quand je serai mort tout comme de mon vivant ; rien de changé, et j’emporterai la satisfaction de savoir qu’il n’y aura jamais eu de