Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/78

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— Je l’espère comme vous, répliqua sa petite amie avec une gravité qui ne lui était pas ordinaire ; espérons-le pour lui, ce pauvre malheureux ! Cependant, ajouta-t-elle en reprenant le ton d’enjouement babillard qui ne la quittait guère, je vous ai dit ce que j’avais à vous dire, et vous aurez peut-être trouvé que c’était un peu long, ce que j’avais à vous dire, peut-être même que j’avais tort de le dire : je n’en serais pas du tout étonnée. En attendant, je m’en vais l’égayer ce soir, car, s’il me sert de cavalier tout du long du chemin jusqu’au Strand, je m’en vais parler, parler, parler, sans lui laisser de repos jusqu’à ce que je trouve moyen de le faire rire de quelque chose. Ainsi, plus tôt il va s’en aller, mieux cela vaudra pour lui, et moi aussi ; car pendant que je suis là, ma domestique pourrait bien faire la coquette avec quelque beau monsieur qui me dévalisera ma maison, quoique à dire vrai je ne vois pas trop ce qu’il aurait à emporter, le malheureux, après mes tables et quelques chaises, excepté pourtant mes miniatures. Encore il faudrait que ce fût un voleur bien habile pour en tirer grand profit ; car moi, je suis bien obligée de le reconnaître parce que c’est l’exacte vérité, je n’en retire rien du tout. »

Tout en parlant, miss la Creevy enveloppa sa figure dans un chapeau collant et sa personne dans un gros châle qu’elle serra étroitement autour de sa taille, au moyen d’une grande épingle, puis elle déclara que l’omnibus pourrait passer quand il voudrait, qu’elle était maintenant toute prête.

Mais, il fallait encore prendre congé de Mme Nickleby et ce n’était pas peu de chose. La bonne dame n’était pas au bout de ses réminiscences plus ou moins applicables à la circonstance, que déjà l’omnibus était à la porte. Voilà miss la Creevy tout en l’air. Plus elle se trouble moins elle avance : ainsi, en voulant secrètement donner la pièce à la bonne derrière la porte ; elle tire de son sac une masse de gros sous qui roulent dans tous les coins du corridor, et lui prennent un temps considérable à les ramasser. Naturellement il fallut encore embrasser Catherine et Mme Nickleby avant le départ, chercher le petit panier et le paquet de papier gris, pour les emporter. Pendant ce temps-là, l’omnibus, comme disait miss la Creevy, jurait à faire trembler. Enfin il fit semblant de s’en aller. Alors miss la Creevy part comme un trait, faisant avec la plus grande volubilité, des excuses à tous les voyageurs ; leur assurant qu’elle était bien fâchée de les avoir fait attendre, pendant qu’elle cherche des yeux une place commode. Le conducteur pousse Smike dedans et donne au cocher le signal du départ, et le large véhicule s’ébranle et roule