Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qui serait arrivé tout à l’heure, aussi sûr que vous voilà, si je n’étais accouru à temps pour vous en empêcher. »

Jonas lui commanda en jurant de se taire, et l’envoya à tous les diables. Mais Montague, qui avait écouté avec une vive attention et n’avait point perdu un mot, détourna lui-même la conversation en s’écriant :

« Où donc est le petit garçon ?

– Pardieu ! j’avais oublié ce gamin-là, dit Jonas. Qu’est-ce qu’il est devenu ? »

Après quelques minutes de recherche, ils trouvèrent l’infortuné Bailey. Il avait été lancé par-dessus la haie, et il était étendu dans le champ voisin, mort selon toute apparence.

« Quand je disais ce soir que je voudrais bien n’avoir pas entrepris ce voyage, s’écria Montague, je savais bien que c’était un voyage fatal. Regardez cet enfant !

– Est-ce là tout ? grogna Jonas. Si vous n’avez pas d’autre raison pour dire ça…

– Eh ! quelle autre raison vous faut-il donc ? demanda vivement Montague. Que voulez-vous dire ?

– Je veux dire, fit Jonas en se penchant sur le corps du jeune garçon, que je ne sache pas que vous soyez son père, ni que vous ayez aucun motif de vous soucier beaucoup de lui. Allons, tiens-toi droit ! »

Mais le groom n’était guère en état de se tenir ni d’être tenu ; et même, à part quelques battements de cœur faibles et irréguliers, il ne donnait plus signe de vie. Après une courte délibération, le postillon monta le cheval qui avait le moins souffert, prit le moribond dans ses bras, du mieux qu’il put ; tandis que Montague et Jonas, conduisant l’autre cheval et portant une malle entre eux deux, s’acheminèrent à côté de lui vers Salisbury.

« Si vous alliez devant, postillon, vous y seriez en quelques minutes, et vous pourriez envoyer du monde à notre secours, dit Jonas. Allons, trottez en avant.

– Non, non, s’écria avec empressement Montague ; nous resterons tous ensemble.

– Quelle poule mouillée vous faites ! Vous n’avez pas peur des voleurs, n’est-ce pas ? dit Jonas.

– Je n’ai peur de rien, répondit l’autre, dont la physionomie et la contenance démentaient les paroles. Mais nous resterons tous ensemble.

– Vous aviez tant d’inquiétude au sujet de ce garçon il y a