Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/361

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à Martin, leur pressait les mains tour à tour, et recommençait à les présenter à sa sœur.

« Martin, dit-il, je me souviens du jour où nous nous séparâmes ; je m’en souviens aussi bien que si c’était hier encore. Quel jour que celui-là ! et comme vous étiez furieux ! Et vous, Mark, ne vous souvenez-vous pas que je vous rencontrai en route, le matin où j’allais en gig à Salisbury pour le chercher lui, et où vous étiez en quête d’une place ? Et le dîner que nous fîmes à Salisbury avec John Westlock, ne vous le rappelez-vous pas, hein, Martin ? Bonté du ciel ! Ma chère Ruth, monsieur Chuzzlewit. Mark Tapley, ma mignonne… du Dragon. Donnez des tasses et des soucoupes, s’il vous plaît. Dieu me bénisse ! que je suis donc content de vous voir tous deux ! »

Et alors Tom (comme avait fait pour lui John Westlock le jour où ils s’étaient revus à Londres) se précipita sur le pain pour apprêter des tartines à ses amis ; mais avant d’avoir coupé une seule tranche, il se rappelait quelque autre question à faire et se retournait précipitamment pour la leur adresser ; puis il leur secouait de nouveau les mains ; puis de nouveau il leur présentait sa sœur ; puis il refit tout ce qu’il avait fait déjà ; et rien de ce que Tom pouvait faire, rien de ce que Tom pouvait dire, n’exprimait à moitié la joie qu’il ressentait de cet heureux retour.

M. Tapley fut le premier à reprendre son calme. Quelques instants à peine s’étaient écoulés quand on découvrit qu’il s’était installé de lui-même dans la cuisine en qualité de garçon ou de surveillant du repas. Le fait fut révélé par son absence momentanée : il ne tarda pas à rentrer, armé d’une bouilloire d’eau chaude qui lui servit à remplir la théière avec le sang-froid qui lui était particulier.

« Asseyez-vous et déjeunez, Mark, dit Tom ; Martin, faites-le asseoir et déjeuner.

– Oh ! répliqua Martin, depuis longtemps j’ai renoncé à le corriger. Il n’en fait qu’à sa tête, Tom. Vous ne manqueriez pas de l’excuser, miss Pinch, si vous connaissiez son prix.

– Elle le connaît, Dieu merci, dit Tom. Je lui ai tout conté sur Mark Tapley. N’est-ce pas, Ruth ?

– Oui, Tom.

– Pas tout, dit Martin à voix basse. Ce qu’il y a de meilleur chez Mark Tapley n’est connu que d’un seul homme, et