Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/468

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Et, ma foi ! Tom ne paraissait nullement les gêner, à en juger par ce qui s’ensuivit.

N’était-ce pas de la folie chez Tom d’accueillir avec tant de joie le souvenir qu’ils lui donnaient dans un tel moment ? Leur gracieux amour, n’était-ce pas aussi de la folie ? leurs aimables caresses n’étaient-elle pas des folies ? la peine qu’ils avaient à se séparer, n’était-ce pas encore de la folie ? n’était-ce pas folie à John de contempler, de la rue, la fenêtre de Ruth, et d’estimer la faible lueur qu’il y voyait briller au-dessus des feux de tous les diamants du monde ? n’était-ce pas folie à Ruth de murmurer le nom de John à genoux, en épanchant son cœur devant celui de qui viennent de tels cœurs et de telles tendresses ? …

Si tout cela n’est que folie, alors, matrone au visage enflammé, lèvre le front et marche en avant ! Si ce n’est pas folie, arrière, matrone au visage enflammé ! En tout cas, mets ton chapeau bossué au service de quelque autre « monsieur seul ; » car en voilà un qui est à jamais perdu pour toi !



CHAPITRE XXIX.


Qui a pour l’auteur un vif intérêt, car c’est le dernier du livre.


La maison Todgers était en grand apparat ; toute la pension du Commerce était dans son coup de feu pour les préparatifs d’un déjeuner dînatoire. Enfin elle était arrivée, cette matinée bienheureuse où miss Pecksniff allait s’unir à Auguste par les liens sacrés du mariage.

Miss Pecksniff était dans une disposition d’esprit également digne de son caractère et de la circonstance ; elle était pleine de clémence et d’intentions conciliantes. Elle avait amassé je ne sais combien de brasiers ardents sur la tête de ses ennemis, mais dans son cœur il n’y avait ni dépit ni rancune ; fi donc !

Ainsi qu’elle le disait, les querelles sont une chose terrible dans les familles ; et, quoiqu’elle fut décidée à ne jamais pardonner à son cher papa, elle consentait volontiers à recevoir ses autres parents : on n’avait été, disait-elle, que trop longtemps désuni ; cela suffirait pour porter malheur à la famille. La mort