Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/55

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répondre à cet appel et s’élancer d’un bond hors de la voiture, tombant la tête la première comme un paquet, au grand risque de compromettre la personne de M. Bailey. Quand notre homme se trouva sur le pavé, M. Bailey commença par s’appuyer contre le mur, puis avec adresse le souleva par derrière, et ayant fini par le mettre sur ses pieds, il l’introduisit dans la maison.

« Passez d’abord avec la lumière, dit Bailey à mistress Jonas ; nous vous suivrons. Ne tremblez donc pas comme ça, il ne vous fera pas de mal. Je sais ce que c’est ; quand j’ai bu une goutte de trop, je suis plein de bons sentiments. »

Merry prit les devants ; son mari et Bailey, à force de tomber l’un sur l’autre et de se heurter mutuellement, arrivèrent enfin au salon du premier étage, où Jonas se laissa choir sur un siège.

« Voilà ! dit M. Bailey. À présent, c’est bon. Vous n’avez que faire de pleurer, Dieu merci ! le voilà solide comme un roc. »

La misérable brute avec son costume en désordre, son visage en compote et ses cheveux emmêlés, s’assit en clignant de l’œil et en vacillant, roulant ses yeux hébétés jusqu’à ce que reprenant par degrés l’intelligence de ce qui l’entourait, il reconnut sa femme et lui montra le poing.

« Ah ! s’écria M. Bailey, mettant le sien sur sa hanche avec une nouvelle émotion, n’allez-vous pas faire le méchant ? que je vous voie ! … avisez-vous de ça ! …

– Je vous en prie, allez-vous-en, dit Merry. Bailey, mon bon ami, allez-vous-en. Jonas ! ajouta-t-elle en posant timidement sa main sur l’épaule de son mari et penchant la tête vers lui ; Jonas !

– Voyez-moi ça ! s’écria Jonas qui étendit la main pour la repousser. Voyez-moi cette créature-là ! Voilà-t-il pas un beau morceau !

– Cher Jonas ! …

– Cher démon ! répliqua-t-il avec un geste féroce. Voilà-t-il pas un beau carcan à se mettre au cou pour toute sa vie, mauvaise petite chatte avec ses miaoux et sa face blême ! Retirez-vous de ma vue !

– Je sais que vous ne pensez pas ce que vous dites, Jonas. Vous ne parleriez pas ainsi si vous étiez à jeun. »

– Prenant un air de gaieté forcée, elle donna à Bailey une pièce d’argent et le supplia de nouveau de sortir. Il y avait