Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/63

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— Moi, et mon maître, Sairah. Il a dîné chez nous ; nous nous sommes bien amusés, Sairah, tellement que j’ai été obligé de le ramener chez lui en fiacre à trois heures du matin. »

Le jeune drôle avait sur le bout de la langue le récit de la scène qui s’en était suivie ; mais se rappelant que la chose pourrait bien arriver aux oreilles de son maître, et songeant aux recommandations réitérées qui lui avait faites M. Crimple « de ne point jaser, » il se contint et se borna à ajouter : « Sa femme veillait en l’attendant.

– Et tout considéré, dit aigrement mistress Gamp, elle aurait fait mieux de ne pas aller se fatiguer à ce métier-là. Paraissent-ils être en bonne intelligence, monsieur ?

– Oh ! oui, répondit Bailey, en assez bonne intelligence.

– J’en suis bien satisfaite, dit mistress Gamp avec un second reniflement significatif.

– Il n’y a pas si longtemps qu’ils sont mariés, fit observer Poll en se frottant les mains, pour ne pas vivre en bonne intelligence.

– C’est vrai… dit Mme Gamp, toujours aussi significative.

– Surtout, continua le barbier, si le gentleman a bien le caractère que vous lui avez reconnu.

– Je parle comme je pense, monsieur Sweedlepipe, dit mistress Gamp. Je serais bien fâchée de faire autrement ! Mais nous ne savons jamais ce qui est caché dans le cœur d’autrui, et, si nous avions à cet endroit-là des carreaux de vitre, nous aurions souvent besoin, je ne parle pas pour moi, de fermer les volets, je puis vous l’assurer !

– Mais enfin vous ne voulez pas dire… commença Poll Sweedlepipe.

– Non, dit mistress Gamp, l’interrompant tout net, non du tout, du tout. Ne vous imaginez pas ça. Les tortures de l’Imposition ne sauraient me contraindre à l’avouer. Tout ce que je dis, ajouta la bonne femme en se levant et en drapant son châle autour d’elle, c’est qu’on m’attend au Bull et que je perds ici des moments précieux. »

Le petit barbier, à qui son ardente curiosité inspirait un vif désir de voir le malade de mistress Gamp, proposa à M. Bailey d’accompagner tous deux la brave dame jusqu’au Bull, pour assister au départ de la voiture. Le jeune gentleman y consentit, et ils partirent ensemble.

Quand ils furent arrivés à la taverne, mistress Gamp (qui