Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, III.djvu/381

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paroissent dans un discours peigné, ne sont pas le caractère d’un esprit vivement touché de ce qu’il dit. J’admire plus dans un long discours la patience de l’auditeur, que la fécondité de l’Orateur. S. Evr. Il faut pour un discours public, des pensées brillantes, des expressions hardies, & du feu d’esprit. Idem.

Discours. Harangue & Oraison. Le dernier de ces mots, dit M. l’Abbé Girard, suppose toujours quelque appareil, ou quelque circonstance éclatante. Les deux autres n’expriment ni n’excluent l’éclat ; la harangue pouvant avoir sa place dans une occasion pressée & peu connue & le discours étant souvent préparé pour des occasions publiques & brillantes. Les discours qu’on prononce aux réceptions des Académiciens, dans les chaires, & en cent autres occasions, peuvent avoir l’appareil le plus éclatant, sans être ni harangues, ni oraisons, &, dans une conversation secrète, ou dans un tête-à-tête, on peut haranguer, au lieu de discourir.

☞ Le discours s’adresse directement à l’esprit, continue le même Auteur ; il se propose d’expliquer & d’instruire ; la beauté est d’être clair, juste & élégant. L’Académicien prononce un discours, pour développer ou pour soutenir un systême. Les Fleurs du discours en diminuent souvent les grâces. Voyez aux articles Harangue & Oraison, le caractère propre de ces mots, & en quoi consistent leurs différences.

☞ On accorde, disent les Encyclopédistes, à M. l’Abbé Girard, que ses notions sont exactes ; mais en les restreignant aux discours académiques, qui sont plutôt des écrits polémiques & des dissertations, que des discours oratoires. Il ne fait, dans sa définition, nulle mention du cœur, ni des passions & des mouvemens que l’Orateur doit exciter. Un plaidoyer, un sermon, une oraison funèbre sont des discours, & ils doivent être touchans, selon l’idée qu’on a toujours eue de la véritable éloquence.

☞ Ne peut-on pas même dire, que les discours de pur ornement, tels que ceux qui le prononcent à la réception des Académiciens, se proposent d’exciter des passions douces, l’estime pour les Sujets que l’on reçoit, le regret pour ceux qu’on a perdus, l’admiration de leurs travaux, &c.

☞ Horace a donné le titre de discours à ses satyres, nom qui convient plus à la prose qu’à la poësie, parce qu’à la mesure près, elles sont écrites dans un style qui approche de la prose, n’ayant aucun caractère particulier de la véritable poësie, qui tienne de la fable ou du sublime ; sermoni propiora.

DISCOURTOIS, OISE. adj. Qui manque de courtoisie ou de civilité, & sur-tout envers les Dames. Inurbanus, inficetus. Un Chevalier discourtois est celui qui manque de respect ou de disposition à servir les Dames. Ce mot vieillit, & étoit autrefois de grand usage.

Ils ont écrit quelques vers discourtois. R.

DISCOURTOISIE. s. f. Manque de courtoisie. Inurbanitas. C’est une discourtoisie de refuser à quelqu’un un service qui ne coûte rien. Il est vieux.

DISCRÉDIT. s. m. Terme de Commerce. Diminution, perte du crédit qu’une chose avoit auparavant. Les billets d’un tel Banquier, d’une telle Compagnie tombent dans le discrédit. Les lettres de change de ce Marchand sont dans le discrédit. Ce mot est très-nouveau, & l’usage ne s’en est guère introduit dans le commerce, que depuis l’année 1719. que les Arrêts du Conseil d’Etat l’ont, pour ainsi dire, consacré, pour exprimer la perte qui se faisoit sur les Actions de la Compagnie des Indes & les Billets de Banque, & le peu de cours qu’ils avoient dans le public. Ainsi l’on a dit, en ce sens, le discrédit des Actions pour dire, qu’elles étoient extrêmement baissées. On a dit encore que les Billets de Banque étoient tombés dans le discrédit, pour signifier qu’on ne les a plus voulu recevoir sur la Place, ou du moins, qu’on ne les a pas reçus pour leur juste valeur. Les terres ont pu paroître vendues chèrement en 1727. année d’un très-grand discrédit. Fact. Cet homme a diverti une partie des fonds de la caisse, & y a substitué des Billets de Banque dans le temps de leur discrédit. Faverel.

Le discrédit où ces Ouvrages sont tombés parmi les Savans.

On a inventé le terme de discrédit, pour l’opposer à celui de Crédit, qui signifie la faveur que les Billets de Commerce, tant publics, que particuliers ont quelquefois coutume de prendre subitement, suivant les conjonctures, dans le négoce que les Marchands & Banquiers en font entr’eux.

DISCRÉDITÉ, ÉE. part. ou plutôt adj. Qui est tombé en discrédit. Faire valoir dans sa caisse du papier discrédité, comme espèces. Il lui a donné du papier discrédité. Faveret. Allouer du papier discrédité pour des espèces.

☞ DISCRET, ÉTE. adj. Qui est prudent & modéré dans ses paroles & dans ses actions. On suit ici la foule & l’autorité de l’Académie, en définissant ainsi l’homme discret, quoique ce terme ne paroisse signifier que celui qui est tempérant dans le discours, qui a l’art de conserver au dedans de soi-même, les choses sur lesquelles il est à propos de se taire. Voyez Discrétion. Consideratus, prudens. L’honnête homme est discret : il remarque les défauts d’autrui ; mais il n’en parle jamais. S. Evr. Les gens discrets sont bien venus par tout.

Discret, se dit, particulièrement, de ceux qui savent garder un secret. Les femmes aiment les Amans discrets.

L’amour le plus discret
Laisse par quelque marque échaper son secret. Racine.

Discret, est aussi une formule de Notaires, un titre d’honneur qu’ils donnent aux Curés & aux Gradués, & principalement aux Supérieurs des Couvens. Vénérable & discret M. tel, Curé d’un tel lieu, Prieur d’un tel Couvent.

Discret. Terme en usage dans plusieurs Maisons Religieuses, telles que celles des Capucins, des Augustins, des Recolets, &c. C’est celui, qui, dans un Chapitre, représente le Corps du Couvent, & en est comme l’Avocat, & proprement le Député. Consultor. Sorte d’avocat envoyé à un Chapitre Provincial, pour représenter les intérêts de la Maison. Il y a dans l’Ordre des Frères Mineurs-Franciscains des Pères discrets perpétuels. Si le Général meurt avant que d’avoir fini son temps, ou qu’il soit élevé à quelque dignité d’Eglise, on lui substitue un Vicaire-Général, qui est élu par les Pères Discrets perpétuels de l’Ordre, qui sont ceux qui ont exercé l’Office de Général, ou qui ont été Vicaires-Généraux pendant deux ans. P. Hélyot Tom. VII. c. 2.

On appelle, aussi, Sœur discrète, une Religieuse ancienne, qu’on donne pour Assistante à une Supérieure pour la conduite de la Communauté. Consultrix. Les Mères Discrètes sont le Conseil de l’Abbesse. Patru. Le 27e chapitre des Statuts de Fontévraud, fait en 1474. est des discrètes.

On distingue, en Phiiosophie, la quantité continue, de la quantité discrète. Discreta quantitas. La continue est celle des lignes, des superficies & des solides, qui est l’objet de la Géométrie. Voyez Continue. La quantité discrète est celle des nombres, qui est l’objet de l’Arithmétique. On l’appelle discrète ou disjointe, parce qu’elle est composée de parties qui ne sont point jointes ensemble, & ne peuvent former un seul continu.

DISCRÉTEMENT. adv. D’une manière discrète. Consideratè, prudenter. Il en a agi fort discrétement, fore prudemment.

☞ DISCRÉTION. s. f. Tempérance, modération dans le discours & dans les actions, prudence qui