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PRÉFACE.

quel on ne prescrivoit point de bornes, il ne suffisoit pas de parcourir les Synonymes de l’Abbé Girard ; il auroit fallu rapporter les observations des Maîtres de la Langue, exposer les règles fondamentales du langage, distinguer ce que l’usage seul autorise, & marquer jusqu’à ses bizarreries : tout cela devoit entrer dans le plan d’un Ouvrage que l’on destinoit à donner la connoissance la plus étendue de la Langue Françoise.

Le Dictionnaire de Trévoux, ainsi nommé de la Ville où fut imprimée la première Edition de cet Ouvrage, parut d’abord en trois Volumes in-folio, sous le titre de Dictionnaire Universel, qu’il a conservé, parcequ’il étoit en effet dès-lors le plus ample & le plus complet des Dictionnaires de la Langue.

Il en est en général des grands Dictionnaires, comme de ces vastes édifices qui n’ont jamais été l’ouvrage d’une seule génération, mais d’une longue suite d’Architectes. Celui de Trévoux, formé sur le plan le plus étendu, ne pouvoit de même être que l’ouvrage du temps : il s’est donc accru successivement, comme le Moréri, comme le Trésor de Robert Etienne ; mais à chaque Edition il s’est tellement enrichi, qu’il est devenu proprement le Dictionnaire national, puisque cinq Editions consécutives ont à peine suffi pour les besoins du Public. On doit à M. l’Abbé du Mabaret, Curé de St. Léonard, plusieurs articles curieux, insérés dans les premières Editions. Il s’en falloit pourtant beaucoup que la dernière Edition en sept Volumes in-folio, n’y eût rien laissé à désirer, soit pour le complément de l’Ouvrage, soit même pour l’exactitude. Comme tous les Dictionnaires, sans exception, sont presque nécessairement défectueux ou fautifs, & ne diffèrent à cet égard que du plus ou du moins, le Dictionnaire de Trévoux n’étoit pas plus exempt que les autres de mauvaises ou de fausses définitions, d’autres erreurs de toute espèce, d’inutilités, de répétitions, & sur-tout d’omissions importantes. Il y avoit presque également à retrancher & à augmenter. Il a donc fallu corriger, élaguer, abréger d’une part ; & de l’autre intercaler, ajouter, changer, pour rendre cet Ouvrage plus correct, plus étendu, plus complet qu’aucun de ceux qui ont paru jusqu’ici en ce genre. En comparant cette Edition avec les précédentes, on verra combien il est différent de ce qu’il étoit : c’est un nouvel édifice élevé sur l’ancien plan. En le comparant avec ceux qui ont quelque rapport avec lui, on connoîtra facilement combien les changemens qu’on y a faits, lui donnent d’avantage sur eux : ces changemens, ces corrections, ces additions, ont produit des Volumes plus forts que ceux de la dernière Edition, & un Volume entier de plus. Ce qu’on dit ici au reste, n’est point pour diminuer la gloire de ceux qui ont travaillé aux autres Dictionnaires ; ils sont tous très-louables dans ce qu’ils ont fait, & très-excusables dans ce qui leur est échappé ; il n’est presque pas possible de terminer absolument ces sortes d’Ouvrages. Si nous avons été plus loin que les autres, nous ne nous flattons pas pour cela que personne ne puisse aller plus loin que nous ; mais nous croyons toucher de plus près que les autres à ce point de perfection, où il est difficile de parvenir. Ceux qui viennent les derniers, ont un grand avantage sur ceux qui les ont précédés, en ce qu’ils peuvent profiter de leurs lumières, & même des fautes qui leur sont échappées : on consulte, on compare, on confronte, on pèse les raisons & les autorités, & l’on se décide.

Le premier & le principal objet d’un Dictionnaire grammatical, scientifique, technique, &c. tel qu’est celui-ci, est de présenter exactement l’idée précise dont chaque mot est le signe représentatif. Il faut que la valeur, le caractère, les différentes acceptions de chacun, & les règles auxquelles est soumis son emploi, soient déterminés de la façon la plus sûre. On n’a rien négligé pour bien remplir cet objet : on a d’abord consulté tous les autres Dictionnaires, pour qu’il n’échappât, s’il étoit possible, aucun des mots de la Langue, & pour former la nomenclature la plus riche & la plus étendue ; on a pris ensuite pour guide, sur l’usage