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Chez les Romains, le commencement & la fin de l’année étoient consacrés à Janus, & c’est pour cela qu’on lui donnoit deux visages, dit S. Faustin, dans un Sermon imprimé par le P. Chifflet, & Bollandus, Tom. I, pag. 2 & 3.

Les premiers Chrétiens n’avoient point d’autre époque pour compter les années, que celle des Romains ou des Païens. C’est Denys le Petit, qui en 525 établit l’ère chrétienne, & commença à compter de la naissance de Jesus-Christ, qu’il fixa à la 45 année Julienne. Eusèbe l’a pourtant placée à l’an 43 Julien, & 3947 du monde. En France l’on ne commença à compter par les années de la naissance de Jesus-Christ que dans le VIII siècle, & le Pape Eugène IV en 1431, a été le premier qui ait employé dans les Bulles l’année de l’incarnation, si l’on en croit quelques Auteurs ; mais le P. Papebroch, dans les Acta Sanct. du mois de Mai, Tom. IV, pag. 13, a montré que long-temps avant Eugène, d’autres souverains Pontifes l’avoient marquée. Il rapporte une bulle de Paschal, datée de l’an 1114 de l’incarnation de notre Seigneur, & il remarque que cette manière de dater étoit très-ordinaire à ce Pape, & à Urbain II son prédécesseur ; que cependant ils ne l’observoient pas toujours ; qu’Honorius II, dans sa Lettre 7, & Innocent II, dans les 3, 9, 12, 31, & les six suivantes, marquent l’année de l’incarnation ; qu’on la trouve aussi dans la 5 & 6 de Lucius II, dans la 9, 10, 66, 70, 71, 72 d’Eugène III, dans la 12 d’Anastase IV, les 30, 38, 39 d’Adrien IV, dans le 52, & d’autres encore d’Alexandre III, & dans la 5 d’Urbain III ; que depuis ce temps-là on n’en trouve aucune dans la collection des Conciles jusqu’à Eugène IV, qui marque l’année de l’incarnation : mais on la trouve souvent dans Wading, in Regesto, sous Grégoire IX, & ses successeurs, depuis 1234 jusqu’en 1269. Après quoi on trouve peu d’actes solennels signés de plusieurs Cardinaux dans un consistoire, & expédiés par le Vice-Chancelier de l’Eglise romaine, qui aient cette date. Dans ce petit nombre, le dernier est de Clément V, signé de quinze Cardinaux en date de l’an 1343. Depuis ce temps on ne la trouve plus jusqu’en 1431 sous Eugène IV, auquel temps, à la représentation de Blondus de Forli, secrétaire du Consistoire, on commença, non pas absolument à dater, mais à dater constamment & toujours les Bulles & les rescrits des Papes de l’année de l’incarnation ; mais dès le Pape Jean XIII, au Xe siècle & depuis, on la trouve quelquefois dans des actes moins solennels.

L’Année françoise commençoit du temps des Mérovingiens, le jour de la revue des troupes, qui se faisoit tous les ans le premier jour de Mars. Elle commençoit d’ordinaire à Noël sous le regne des Carlovingiens, & sous les Capétiens à Pâque ; ainsi cela varioit entre le 22 Mars, & le 25 d’Avril. L’Année ecclésiastique commença encore à Pâque. Ce n’est que depuis l’année 1564, & en exécution de l’Ordonnance de Charles IX de 1563, appelée communément l’Edit de Roussillon, que l’année a commencé au premier Janvier, au lieu qu’elle ne commençoit auparavant qu’à Pâque. Le Parlement ne s’y est conformé qu’en 1566. On dit que c’est le Chancelier de l’Hôpital qui fut auteur de l’Edit dont on vient de parler. On a toujours depuis suivie ce style en France, quoique cet article 39 de l’Ordonnance de Roussillon en Dauphiné, n’ait jamais été enregistré au Parlement.

En Allemagne, en Italie, en Chypre, &c. on a aussi commencé l’année à la Nativité. En Islande on la commençoit de même, si l’on en croit Olaüs Vormius, Fast. Danic. Liv. I, ch. 12 ; mais Suénon, LL. Castr. ch. 7, dit que c’étoit à la Circoncision. Les Pisans & les Florentins ; ceux de Trèves, &c. l’ont commencée à la fête de l’Incarnation ou Annonciation.

En Angleterre, l’Année civile (par exemple, pour les actes du Parlement) ne commence que le 25 de Mars. Stow, Analiste Anglois, remarque que Guillaume le Conquérant ayant été sacré le jour de Noël, ce jour devint le premier jour de l’année pour les Historiens, quoique dans les affaires civiles on retînt l’ancienne façon de compter, qui commençoit l’année au 25 de Mars. Depuis ce Prince, les Diplomes des Rois ne marquent plus que l’année du regne, & les autres actes n’en marquent presque point.

Les Juifs, comme presque toutes les nations de l’Orient, avoient une année civile, qui commençoit à la nouvelle lune de Septembre ; & une année ecclésiastique, ou sacrée qui commençoit à la nouvelle lune de Mars.

Eusèbe dit que les années des Egyptiens ne furent d’abord que de 360 jours, ensuite de 365, & par conséquent toujours défectueuses. Le P. Kirker prétend qu’outre cette année solaire, il y avoit en Egypte quelques Nomes ou Cantons, qui n’avoient qu’une année lunaire ; qu’il y en eut même dans des temps plus reculés, qui prirent la révolution de la lune, c’est-à-dire le mois pour une année ; que d’autres trouvant cette année trop courte, la firent de deux mois, quelques-uns de trois, & enfin de quatre. Voyez l’Œdip. Ægypt. Tom. II, pag. 252, & le Cardinal Noris, de Epoch. Syro-Mac. pag. 206.

Les Macédoniens établis en Syrie commençoient l’année en automne, & le premier mois étoit celui qu’ils appeloient Dius, dont le premier jour, qui étoit aussi le premier jour de l’an, répondoit au 24 de Septembre. Ainsi le commencement de l’année Syro-Macédoine tomboit à peu-près à l’équinoxe d’automne. Voyez le Cardinal Noris au même endroit, pag. 14.

Les Mahométans la commencent au moment que le soleil entre dans le signe d’Ariès ; les Perses au mois Fernandin, qui répond au mois de Juin ; & les Gentils de l’Inde la commencent au premier jour de Mars. Les Asiatiques ne comptent point comme en Europe l’année par le cours que fait le soleil, mais par celui de la lune, qui contient, selon eux, 354 jours, qui font douze lunes ; de sorte que tous les trois ans ils comptent treize lunes pour leur bissexte, & croient par ce moyen les égaler aux années solaires. Marin. Les Arméniens (en Perse en 1619.) célébrent le jour de la naissance de notre Seigneur, selon le calcul du vieux calendrier, le 3 Janvier du nouveau style. Wicq. Amb. de Fig.

Le P. d’Acosta, Jésuite, dans son Histoire des Indes, Liv. VI. ch. 2. rapporte que les Mexicains commencent l’année au 23 Février, selon notre calcul, lorsque les feuilles commencent à reverdir ; qu’ils divisent leur année en 18 mois de 20 jours chacun, ce qui fait 360 jours ; que les 5 qui restent pour accomplir l’année, ils ne les donnent à aucun mois, mais qu’ils les comptent séparément ; que toute affaire cesse pendant ces cinq jours, même les sacrifices ; qu’on ne s’assemble point aux temples, & qu’ils ne s’occupent qu’à se visiter les uns les autres ; qu’ils appellent ces cinq jours les jours fainéans ; qu’ils ont des semaines de 13 jours ; qu’ils ont aussi des semaines d’années composées aussi de 13 années ; qu’une révolution de quatre de ces semaines d’années, c’est-à-dire, de 52 ans, fait leur siècle. Nous pourrons dire le reste aux mots Calendrier, Mois, Semaine. Antoine de Sollis dit la même chose dans son Histoire du Mexique, Liv. III. ch. 17.

Dom Francisco Alvarès rapporte quelque chose de semblable des Abissins dans son Voyage d’Ethiopie. Il dit qu’ils commencent leur année le 26 Août, jour de la Décollation de S. Jean ; que l’année est de 12 mois, & les mois de 30 jours ; qu’après ces 12 mois il reste 5 jours, & les années bissextiles 6, qu’ils nomment Pagomen, c’est-à-dire, fin de l’année. Ludolf, Liv. III. ch. 6. §. 97. dit qu’ils commencent l’année le premier jour de Septembre. Du reste, il convient avec Alvarès, dans le Calendrier Ethiopien, qu’il nous a donné dans son second Tome, p. 389. Il met le premier jour de l’année au 29 d’Août. Voyez aussi Kirker, Lex. Copt. p. 537.

Le P. d’Acosta, au ch. 3. du livre que j’ai cité, dit, que les Peuples du Pérou règlent encore mieux leur année, parce qu’ils ont égard aux lunes. Ils donnent à leur année 365 jours comme nous, & le partagent