Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/672

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
648
AUM

toient sur les affaires du royaume, principalement sur celles de l’Eglise, ou plutôt, parce que c’étoit un Prélat résident à la Cour, de même que l’Apocrisiaire du Pape résidoit à celle de Constantinople. Ils furent nommés Archichapelains ; parce qu’ils se chargerent du soin de la chapelle de nos Rois : & parce que sous la troisième race, & principalement depuis S. Louis, les maladreries, léproseries, & autres hôpitaux royaux s’étoient beaucoup accrus, on leur en donna l’administration ; ils furent appelés Grands-Aumôniers. Il prouve ensuite par Hincmar, & Adelard, Abbé de Corbie, que l’Apocrisiaire & l’Archichapelain étoient ce qu’est aujourd’hui le Grand-Aumônier ; que sous la première race c’étoient des Evêques qui venoient tour à tour faire cet office au Palais ; que sous la seconde race ce ne furent que de simples Prêtres, pour ne point empêcher les Evêques de résider ; que quelquefois cependant il y eut des Evêques & des Archevêques, témoin Drogon, Evêque de Metz, qui le fut sous Louis le Débonnaire, & Gonthier, Archevêque de Cologne, sous Lothaire, &c. qu’il avoit juridiction sur tout le Clergé du Palais : qu’il avoit pour collègue & associé le Chancelier, qui s’appeloit alors Secrétaire ; qu’il décidoit toutes les affaires ecclésiastiques, ou monastiques, comme le Comte du Palais jugeoit les affaires séculières ; qu’il étoit toujours appelé aux Parlemens, ou États qu’il étoit Évêque du Roi, ou Prélat de sa Cour ; que sous la seconde race il avoit toute l’Intendance de la Chapelle du Roi ; qu’il avoit soin de la conscience du Roi, & de l’avertir des devoirs du Christianisme ; qu’il bénissoit sa table, & disoit les grâces ; que l’Apocrisiaire, Archichapelain, ou Grand-Aumônier sont la même chose que le Protopapas de la Cour de Constantinople que l’Archichapelain est nommé Garde du Sacré Palais, Custos Sacri Palatii, Évêque du Sacré Palais, Antistes Sacri Palatii, Prêtre du Palais, Presbyter de Palatio, terme qui selon lui, signifie Évêque, Pontife, domestique de l’Empereur, familiarissimus Pontifex Domini Imperatoris ; que sous la troisième race le Grand-Aumônier avoit appartement chez le Roi, ce qui n’étoit point nouveau, puisque l’Apocrisiaire & l’Archichambellan étoient Gardes du Palais ; que le Grand-Aumônier & le Confesseur seuls peuvent parler au Roi pendant la Messe ; que souvent les Princes & Princesses l’ont fait Exécuteur Testamentaire ; qu’aux obsèques des Rois le Grand-Aumônier, comme Evêque ou Curé du Roi, marche immédiatement devant l’Effigie ; qu’aux obsèques de Henri II, l’Évêque de Paris accompagna le Grand-Aumônier, disant qu’il étoit aussi Evêque du Roi ; mais qu’aux funérailles de François I, cette place lui avoit été refusée, parce qu’il lui remontra que la Cour du Roi ne reconnoît point d’Evêque de Sa Majesté que le Grand-Aumônier ; que l’Archichapelain avoit été de même reconnu pour Evêque du Roi ; qu’en cette qualité l’Archichapelain de Louis le Débonnaire lui donna le S. Viatique à la mort. ; qu’autrefois le Grand-Aumônier devoit être Prêtre ; qu’il semble que dans la suite il ne le fut pas toujours, puisque Jean XXIII, dans la Bulle par laquelle il soustrait l’Hôtel des Quinze-Vingts à la juridiction de l’Archidiacre, & le soumet à celle du Grand-Aumônier, ajoute cette clause ; pourvu qu’il soit Prêtre ; ou sinon à celle du premier Chapelain du Roi ; que c’est au Grand-Aumônier à donner les buletins des lépreux pour les mettre aux Léproseries ; que ses Ordonnances s’exécutent par provision, pourvu qu’elles soient signées de quatre Conseillers de Cour souveraine ; qu’il dispose à sa discrétion des offrandes du Roi, &c. Quoique cet ouvrage de Rouillard pût être écrit avec plus de goût, & qu’on y trouve bien de l’antiquaille & des digressions hors de propos, il ne laisse pas d’y avoir des recherches assez curieuses.

M. Du Cange croit que la Charge d’Aumônier est différente de celle de Chapelain. Avant Charles VIII, il n’avoir que le titre d’Aumônier : ce Prince augmenta cette charge, & donna à celui qui en est pourvu, la qualité de Grand-Aumônier. Son office, dit Galland, est de se trouver des premiers au lever du Roi, de savoir de lui où & à quelle heure il veut entendre la Messe. Il est le seul Evêque de toute la Cour. En quelque lieu que soit le Roi c’est de lui qu’il reçoit les Sacremens. Il a l’intendance sur la Chapelle du Roi, sur les Pauvres, les Hôpitaux, & Maladreries de France. Autrefois il conféroit les bénéfices qui étoient à la nomination du Roi. Il officie devant le Roi aux grandes cérémonies. C’est lui qui à l’arrivée du Roi dans une ville délivre les prisonniers, quand le Roi a accordé leur grâce, &c. Voyez Galland, dans la vie de Pierre Chastelain.

☞ Outre le Grand-Aumônier, il y a chez le Roi le premier Aumônier & les Aumôniers de quartier, au nombre de huit, qui font par quartier les fonctions du Grand-Aumônier.

On appelle aussi Aumônier dans un Couvent, un Officier claustral qui est pourvu d’une Aumônerie.

Aumônier de vaisseau, Aumônier d’un régiment. C’est un Prêtre entretenu dans un vaisseau ou dans un régiment pour y dire la messe, administrer les Sacremens à l’équipage ou aux soldats, & y faire les autres fonctions ecclésiastiques.

Aumônier, en vieux style de Coutumes, a signifié Légataire. On ne peut être aumônier, & parsonnier tout ensemble, c’est-à-dire, légataire & héritier.

Tous ces mots, Aumôner, Aumônerie, Aumônier, viennent d’Aumône, qui est dérivé du grec ἐλεημοσύνη, qui signifie proprement miséricorde, & le sentiment intérieur de la miséricorde ; & parce que le nom de la cause passe souvent à l’effet qu’elle produit, de-là vient que le nom d’Aumône ἐλεημοσύνη est donné aux gratifications que l’on fait à ceux que l’on connoît en avoir besoin, comme l’a remarqué Naudé dans son Mascurat, p. 263 quand la vertu & le sentiment de la Miséricorde ou de la piété est la cause de ces gratifications ; car hors de-là ce n’est plus aumône ; c’est gratification, c’est présent, c’est libéralité, &c.

AUMONIÈRE. s. f. Eleemosynaria. Dans le Chapitre de Remiremont, l’Aumônière tient le cinquième rang. Elle jouit de plusieurs revenus qui sont affectés à sa dignité ; mais qui lui imposent aussi de grandes charges. P. Hélyot, T. VI, p. 413. Il y a outre cela deux petites Aumônières, qui sont à la disposition & nomination de l’Abbesse ou de la Doyenne en son absence. Id.

Aumonière. On a ainsi appelé en vieux langage une petite bourse ou gibecière, almonaria, & eleemosynaria dans la basse latinité, à cause de l’argent qu’on y mettoit pour faire des aumônes. Comme son premier Trésorier lui bailla en garde son aumônière. Sarasin, Pompe funèbre de Voiture. C’étoit aussi pour les Dames un ornement pareil à celui qu’elles empruntent aujourd’hui d’une montre attachée à leur ceinture. Les hommes en portoient aussi, & l’on en voit dans plusieurs anciens mausolées. Ce terme est pris allégoriquement dans le Roman de la Rose, v. 20572, &c signifie le scrotum des Latins, seu pellis quæ testiculos continet. Supplem. au gloss. du Rom. de la Rose.

AUMUCE, plus communément AUMUSSE. s. f. Fourrure que les Chanoines & Chanoinesses portent sur le bras en été, & dont ils se servoient autrefois en hiver pour couvrir leur tête. Pelliceum ac villosum amiculum. Une aumusse de petit gris. L’aumusse a été autrefois non-seulement un habit de Moines, mais encore celui des laïques, tant pour les hommes que pour les femmes.

Pendant plus de mille ans on ne s’est couvert la tête en France que d’aumusses & de chaperons. Le chaperon étoit à la mode dès le temps des Mérovingiens ; on le fourra d’Hermines sous Charlemagne. Le siècle d’après on en fit tout-à-fait de peaux : ces derniers s’appeloient Aumusses : ceux qui étoient d’étoffe retinrent le nom de chaperons. Les Aumusses étoient moins communes ; on commença sous Charles V à abattre sur les épaules l’aumusse & le chaperon, & à se couvrir d’un bonnet. Le Gendre. Dans un Registre de la Chambre des Comptes, on trouve un article de trente six tous employés pour fourrer l’aumusse du Roi. La Couronne se mettois sur l’aumusse, comme dit Du Cange, qui dérive ce mot de amicula. C’étoit, selon Festus & Isidore,

une