Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/744

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
720
BAL

l’antiquité. Quoi qu’il en soit, les habitans des Baléares étoient très-habiles à lancer, & cette origine du nom de Baléares passe pour la plus vraie. Tite-Live lui-même semble la préférer à l’autre qu’il rapporte, & qui n’est qu’une fable. Isacius sur Lycophron, dit que Baléares est la même chose que Valeries, Valeriæ Insulæ, Ὑγιεινάς ; c’est-à-dire, les îles saines. C’est une idée sans fondement. Bochart, qui dans son Chanaan, Liv. I, ch. 35, avoue que ce nom fut donné aux Insulaires, à cause de leur habileté à lancer des pierres, ne veut pas cependant qu’il vienne du grec βάλλειν, jeter, lancer ; mais du Phénicien בעל, ירה, baal-jaro, c’est-à-dire, Magister jaculi, ou projiciendi lapides, habile à lancer. Ces îles ont encore été appelées Γυμνήσιαι, Gymnasiæ, & les habitens Gymnetes, de γυμνός, nu, parce que les barbares qui les habitoient, étoient tout nus, se vêtant de peux seulement l’hiver. Ces îles ont fait un royaume particulier, que les Maures envahirent lorsqu’ils se rendirent maîtres de la Bétique, & d’où Jacques I roi d’Arragon les chassa en 1230. Depuis ce temps-là les Baléares font partie du royaume d’Arragon. Voyez sur les Baléares le Marca Hispanica, de M. Baluse, où l’on voit à qui elles ont appartenu, tant pour le spirituel que pour le temporel.

Il se dit aussi-bien des habitans de ces îles, que des îles mêmes. Quintus Métellus attaqua l’an de Rome 629, les Baléares, peuples jusqu’alors presque sauvages, & qui n’avoient paru dans les guerres que comme auxiliaires des Carthaginois. Crevier, Hist. Rom.

BALÉARIQUE. adj. m. & f. Qui est des Baléares, ou qui appartient aux Baléares. Balearicus. Il y a une espèce de grue qu’on nomme grue baléarique, dont nous parlerons au mot Grue. Q. Cæcilius Métellus fut surnommé Baléarique, pour avoir soumis les Baléares au peuple Romain. C’est ce que marque une ancienne inscription qui se voit sur les murailles de Tarragone du côté de l’occident, & qui porte Q. C. M. B. INS. BAL. O. ET. IMP. ROM. S. IN PER. c’est-à-dire, Quintus Cæcilius Metellus Balearicus insulas Baleares obtinuit, & Imperio Romano subjecit in perpetuum. Nous avons une histoire du royaume Baléarique en espagnol par le Docteur Jean Dameto, la historia general del Reyno Balearico.

BALEINE. s. f. Balæna. Poisson d’une grandeur extraordinaire, le plus grand de tous les animaux. Godeau les appelle des écueils vivans. Pline fait mention de quelques baleines longues de quatre arpens, d’autres de 200 coudées ; mais il se trompe, ou il exagère. Il y en a dont les os ou arrêtes sont capables d’étayer ou de servir à construire de grands édifices. Les baleines du Nord sont beaucoup plus grandes que celles qui atterrissent sur les côtes de Guyenne, ou de la Méditerranée. Il y en a pourtant à l’Amérique de fort grandes, qui ont jusqu’à 90 ou 100 pieds entre la tête & la queue, dont les nageoires ont 26 pieds, les ouies trois pieds, & la largeur de leur queue est de 23 pieds. Le P. d’Ouaglie écrit dans sa Relation du Chili, ch. 17, qu’il y a plus de baleines au Chili qu’en aucun autre lieu du monde, & si grandes qu’on les prend quelquefois pour des îles. Pomey rapporte qu’en 1658, on apporta à Paris le squélette d’une baleine, dont le crane étoit de seize à dix-sept pieds d’ouverture, pesant quatre mille six czns livres ; les mâchoires de dix pieds d’ouverture, & quatorze pieds de longueur, pesant chacune onze livres ; les nageoires qui ressembloient à des mains, de douze pieds de long, pesant chacune six cens livres ; les côtes de douze pieds & demi, pesant chacune quatre-vingt livres ; les nœuds de l’échine depuis la tête jusqu’au bout de la queue de quarante-cinq pieds de long, les premiers nœuds pesant cinquante livres, & les autres diminuant jusqu’au bout. Les Chinois disent qu’on en a pris dans leurs mers qui avoient 960 pieds de long. Nos Européens néanmoins n’en ont guère trouvé qui aient excédé 200 pieds. Ambass. des Holl. à la Chine, Part. II, p. 99.

Il y a des baleines de plusieurs sortes, qui produisent toutes des baleinons vivans & parfaits animaux, mais qui n’en portent que deux tout au plus. Elles les nourrissent à la mamelle avec grand soin. La nourriture des baleines est une eau ou écume qu’elles savent extraire de la mer, à ce que disent Ælian, Rondelet & Gesner. Elles vivent aussi d’un petit insecte que les Basques nomment Gueld, qui est le Psillus marinus, ou la Puce de mer, qui se trouve dans le Nord en grande abondance pour nourrir le gros poisson. En effet, dans la dissection des baleines on ne trouve autre pâture dans leur estomac que de l’eau épaisse, & de ces menus insectes, rarement quelques anchois ou petits poissons blancs ; mais jamais de gros poissons, ni de morceaux d’ambre, comme ont voulu faire croire Cardan & autres. Les Hollandois, dans leur Ambass. à la Chine. p. 99, disent qu’on ne trouve dans leur estomac qu’environ 10 ou 12 poignées de petites araignées noires, & quelque peu d’herbe verte ; & que quand la mer se trouve couverte de ces araignées, c’est une marque que la pêche sera bonne. Ils ajoutent qu’on a quelquefois trouvé 30 ou 40 cabilleaux dans leur ventre.

La plûpart des baleines n’ont point de dents, mais seulement des fanons ou barbes dans la gueule larges d’un empan, & longues de quinze pieds, plus ou moins, finissant en franges semblables par le bout aux foies de porceaux, lesquelles sont enchâssées par en-haut dans le palais, & rangées en ordre selon leur différente grandeur, comme le manteau d’un oiseau. Ces barbes servent à dilater & à restreindre les joues de la bête, qui sont quelquefois si amples, qu’elles sont capables de contenir le baleinon nouvellement né, comme dans une boîte, pendant les orages, comme écrit Olaüs. L’Auteru de l’Ambass. des Holl. au Japon, Part. II, p. 130, dit que les baleines du Japon ont deux grands trous sur le mufle, par où il entre quantité d’eau, qu’elles revomissent ensuite avec grande impétuosité. Le P. du Tertre, Hist. des Antilles, Tr. IV, ch. I, §. I, dit qu’elles vont soufflant & comme séringuant par les nazeaux deux petits fleuves d’eau, qu’elles poussent dans l’air haut de deux piques, & que dans cet effort elle font un certain meuglement, qui se fait entendre d’un bon quart de lieue. L’Auteur de l’Ambassade au Japon ajoute que leurs yeux sont longs de trois aunes, & larges d’un pied & demi ; leurs ouies beaucoup plus grandes dedans que dehors, & qu’elles entendent le moindre bruit ; que quand elles ouvrent la gueule, elle est large de plus de cinq brasses ; que leur langue a dix-huit pieds de long sur six de large ; qu’il est certain qu’elles se nourrissent de poisson, & qu’on a trouvé dans le ventre de quelques-unes 40 ou 50 morues.

Les Journeaux des Savans d’Angleterre, en parlant des baleines qui se trouvent dans la mer de l’Amérique aux environs des Bermudes, disent qu’elles ont de grandes barbes pendantes depuis le dessous du nez jusqu’au nombril, & vers la fin des parties de derrière une crète sur le dos ; que ce poisson a la figure fort aiguë par le derrière, approchant de celle du toit d’une maison ; qu’à côté de sa tête il y a plusieurs bosses ; que son dos est extrêmement noir, & son ventre blanc ; que l’agilité & la vîtesse de ces poissons est inconcevable ; qu’une ayant été arponnée, elle entraîna le vaisseau de plus de 6 ou 7 lieues loin en trois quarts d’heure ; que quand elles sont blessées, elles font un cri horrible, auquel toutes les autres qui le peuvent entendre, accourent, mais sans faire aucun mal à personne ; qu’elles sont plus longues que les baleines de Groenland, mais moins épaisses ; qu’elles se nourrissent des herbes qui croissent dans le fond de la mer ; que l’on a trouvé quelquefois dans leur estomac deux ou trois hottées de matière verte & herbue ; que l’on peut tirer jusqu’à 7 ou 8 tonnes d’huile des plus grandes de ces baleines ; que les baleinons en rendent un peu, & qu’elle ressemble plutôt à de la gelée qu’à de l’huile ; que celle des vieilles baleines, se fige comme su sain de pourceau, & ne laisse pas de très-bien brûler ; que celle que l’on tire de la graisse, est claire comme du petit lait ; mais que celle que l’on tire du maigre entrelardé, se durcit comme du suif, & petille en brûlant ; que celle enfin qu’on fait de la panne, est comme de la graisse de porc ; qu’on peut tremper sa main dans cette huile toute bouillante sans se brûler ; qu’elle est souveraine pour les