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BAR

que fit le Sire de Bourbon environ l’an 1200, quoique ses ancêtres eussent porté pendant plus de trois cens ans le nom de Comtes & de Princes. C’est en imitant cet ancien usage, qu’une illustre Princesse prend dans ses ingénieux divertissemens le titre de Baronne de Sceaux.

Baron, étoit autrefois un nom général que l’on donnoit à tous les gens illustres, tant dans l’Eglise que dans l’Etat, comme aujourd’hui celui de Seigneur. De-là vient qu’une ancienne traduction françoise des histoires de Guil. de Tyr dit, Venu étoit li mois de Mars quand li Barons & hauts Homs, &c. Frédégaire dit, Burgundiæ Barones, tàm Episcopi, quàm cæteri leudes, & Orderic. Lib. II, Hist. AC. 1109. Pro tantorum itaque transitu Baronum videtur ipse mundus lugere. Il parle de S. Anselme Archevêque de Cantorberi, & de Guillaume Archevêque de Rouen. Froissard a donné ce titre à S. Jacques, vol. 3, ch. 30, 33. Or eurent ils affection d’aller en pélerinage au Baron S. Jacques. Et encore, & fit ses vœux devant le Benoît corps Saint, & Baron S. Jacques. C’est ainsi que le peuple a dit, & dit encore quelquefois, monsieur S. Jacques. Mais proprement les Barons étoient des Gentilshommes qui tenoient leurs fiefs immédiatement du Roi. Voyez Hauteserre, De Duc. & Comitib. c. 5. Voyez aussi les Notes du même Auteur sur Grégoire de Tours, p. 383, & du Tillet, Recueil des rangs, p. 11.

En Bretagne, il semble que pour être créé Baron, il falloit être parent du Duc. Voyez les titres rapportés dans l’Hist. de Bret. Tom. II, p. 1145, 1146, 1147. Il est dit dans les mêmes Actes, qui sont des Créations de Barons, faites par le Duc Pierre en 1451 que les anciens Barons de Bretagne n’étoient que neuf. D’Argentré conclut d’une lettre Patente d’Alain le Long de l’an 689, qu’en ce temps la dignité de Baron n’étoit point encore en usage dans la Bretagne, parce que nul de ceux qui y ont souscrit, n’ont pris ce titre.

Ménage dérive ce mot de Baro, qui signifioit parmi les Romains un homme fort & vaillant, & aussi un brutal & féroce : & parce que les Rois avaient auprès d’eux les hommes les plus forts & les plus vaillans & qu’ils les récompensoient de plusieurs fiefs & Seigneuries, on a depuis appelé Barons, ces Nobles qui les avoient obtenus ; desorte que ce n’est pas merveille si dès le temps même de S. Augustin on a appelé Barons, les gens les plus considérables de la Cour & de l’armée. Hirtius même, dans l’histoire de la guerre d’Alexandrie, en fait mention.

Quelques autres dérivent Baron de l’allemand bawer, qui se dit en un contre sens, & qui signifie paysan. Dans la basse latinité on a appelé Barons, des gens de journée, de peine & de travail, parce qu’ils doivent être forts & robustes, comme dans Isidore, qui dit que ce mot vient du grec βαρύς, qui signifie gras, & fort. Papias est aussi de ce sentiment, aussi bien que le Port-Royal, qui dit que baro parmi les Latins signifioit un homme vaillant, ou même un homme féroce ou brutal. Cambden entend par ce mot des soldats mercénaires, p. 121. C’est d’Isidore qu’il a pris cette interprétation. C’étoient, dit Chifflet, de braves soldats à qui l’on donnoit la paye. Ainsi nos Barons ont pris leur nom d’une dignité militaire. Si l’on en croit encore le Port-Royal, ce mot vient de βαρος qui se prend pour autorité, puissance. En ancien gaulois on appeloit Varons, les valets des soldats, qui étoient extrêmement lourds & stupides, & qui d’ailleurs résistoient à la fatigue. Et comme cette espèce de gens étoient fort brutaux & fort méchans, on donnoit le nom de Baron au Diable & aux Lutins. Cicéron, pour signifier un homme lourd & stupide, se sert du mot de baro. Dans les anciennes lois d’Allemagne, on dit, souffleter un Baron ; pour dire, donner un soufflet à un vilain. On appelle aussi en Italien un gueux Baroné ; & on dit baronare ; pour dire, gueuser.

Chorier prétend que le mauvais sens que les Latins donnent au mot Baron, qu’il croit être un mot gaulois, n’est point sa véritable signification ; qu’il y a apparence que chez les Gaulois il signifioit un jeune homme seulement, & que celui de garçon en est venu ; qu’on sait que les Barbares, qui ont inondé si souvent la France, y ont introduit avec eux la coutume de prononcer le V comme le G, & le G comme le V. D’autres dérivent le mot de Baron d’un vieux mot gaulois Ber, ou Bers, qui signifioit Haut-Seigneur, d’où on a fait le fief Haut Ber. Bouteiller, en sa Somme rurale, & de S. Julien en ses Antiq. de Bourg, ch. 34, disent que Ber & Baron sont synonymes. Et Etienne Guichard dérive bar de l’hebreu גבר, gever, ou geber, qui signifie homme, Seigneur, Prince ; en retranchant le ג, ou g hébreu.

Quelques-uns l’ont fait venir de barrus, qui signifie éléphant, à cause que les Barons sont ceux qui ont le plus de pouvoir.

Mais l’opinion la plus probable, est qu’il vient de l’espagnol varo qui signifie un homme vigoureux, vaillant & noble. D’où vient que quelques Coutumes ont appelé un mari, Baron, ce que les femmes appellent leurs hommes. Une femme ne peut contracter, ni appeler sans l’autorité de son Baron ; d’où vient que les Princes ont appelé Barons, leurs vassaux, qu’on appelle encore aujourd’hui leurs hommes & feudataires. Et dans les lois Saliques & Ripuaires, le mot de Baron signifie généralement un homme. Le vieux Glossaire grec & latin de Philoxène traduit baro par ἀνήρ. Dans les lois des Lombards baro est pris par tout pour vir ; de même dans les lois Saliques. Voyez Tit. 34, & elles l’opposent à mulier ingenua, comme si baro étoit vir ingenuus. Encore à présent, dit Chifflet, dans son Gloss. Saliq. au mot baro, les Walones appellent leur mari, mon Baron. Dans les lois Allemaniques & Ripuaires baro est aussi opposé à fœmina ; il en est de même dans les lois d’Angleterre, dit M. Harris ; & les Espagnols disent encore varom pour homme. Ainsi M. de Marca, Marca Hisp. Lib. III, cap. 8. §. 6, croit que ceux qui tirent ce mot du latin, se trompent, puisqu’il y a un sens fort different ; mais qu’il vient de l’Allemand bar, un homme. Cependant Lymnæus, Jur. Imp. Lib. IV, cap. 5, conclut des lois que nous venons de citer, que Baron ne signifioit qu’un valet comme en latin, parce que dans les lois des Allemands il n’y a que la même peine pour donner un soufflet à un Baron, ou le donner à une servante. Il ajoute que dans les lois Ripuaires, Baron est pris pour un Commis qui lève les droits ou tributs. Voyez cet Auteur, qui a ramassé plusieurs choses sur les Barons.

D’autres disent que c’est un mot françois, & la même chose que par-hommes, c’est-à-dire, hommes égaux en dignité. Quelques Jurisconsultes Anglois veulent qu’il signifie Bobora belli, dans Cambden, p. 121. Quelques Allemands le tirent de banner-haires, c’est-à-dire, enseigne porte-enseigne. Alciat prétend qu’il vient d’une ancienne nation d’Espagne, qui s’appeloit Bérons. Cambden préfère, p. 121, l’opinion qui le fait venir de bar, qui en allemand signifie un homme libre & indépendant.

Waserus le dérive de l’hébreu bar, pur, net, pour montrer la pureté & la noblesse de l’origine des Barons ; Martinius du mot allemand bar, prompt, qui est présent, qui paroît ; parce que les Barons étoient toujours auprès de la tente du Roi, pour le garder & le défendre. Ebrard de Bethune en donne ces étymologies, qui sont sans fondement :

Est Bares, fortis, Baroque monstrat idem.

Et en un autre endroit :

A gravitate Baro sertur, quod monstrat imago
Ejus ; nam Græcè Bares id quod grave signat.

En grec βαρὺς, gravis.

Jean de Garlande dit quelque chose de semblable dans ce vers,

Baro, Baronis, gravis aut authenticus est vir.

Icquez dit que bar dans la langue des Francs, & vair

dans