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v. 17, & Nomb. XXXI, 16. L’Auteur de la Vulgate étoit de ce sentiment ; car Jos. XXII, 17, il traduit Béelphegor, quoiqu’il n’y ait dans l’hébreu que פעור, Phégor ; mais il le prend pour un nom de lieu. Origène ajoute à ce que j’ai déjà rapporté de lui, que l’Auteur des interprétations des noms hébreux, qu’il avoit consulté, n’avoit point expliqué quelle sorte d’impureté cette idole représentoit, ou signifioit ; apparemment, dit-il, pour ménager la pudeur. R. Salomon Jarkhi sur les nombres XXV, 3, l’a prétendu faire, & il dit que cette idole étoit ainsi nommée, parce que ces adorateurs faisoient leurs impuretés devant cette idole, & les lui offroient. Car פער, selon lui d’où vient פעור, pheor, signifie aperire & distindere foramen podicis. Maimonides insinue la même opinion dans son Moreh Nebuhhim, P. III, chap. 46 ; & il prétend que c’étoit afin que les Prêtres du vrai Dieu s’éloignassent le plus qu’il étoit possible d’un culte si absurde & si abominable, que les préceptes de l’Exode, XXVIII, 42, & XX, 26, avoient été portés. D’autres disent que cette idole avoit la bouche béante, que c’est de-là que lui vient son nom. Car פער, signifie en effet aperuit, distendit, & ne se dit jamais dans l’écriture que de la bouche. Ainswort croit qu’il est ainsi nommé, parce qu’il ouvroit la bouche pour prophétiser, de même que le Dieu Nebot tiroit son nom de Nabi, Prophète. Philon, dans son livre du changement des noms, l’interprète Ospellis, comme s’il étoit composé de פי, os, & de עור, pellis. S. Jérôme sur le ch. IX d’Osée, semble dire que c’est le Priape des Latins, & fait connoître que sa figure n’étoit pas moins obscène. Il dit encore la même chose, Liv. I. contre Jovinien, ch. 12. Ruffin, Liv. III, sur Osée, & Isidore dans ses Origines, disent aussi que Béelphégor & Priape sont la même chose. Le P. Kirker, Masius, Bochart & plusieurs autres sont du sentiment de S. Jérôme, & le premier croit que cette infame idolâtrie étoit venue de l’Egypte, & des cérémonies abominables d’Osiris. Martin Bucer s’est imaginé, dans son commentaire sur le Psaume CVI, v. 29, que c’est l’Ecriture qui a donné ce vilain nom à ce Dieu, & que c’est la coutume de donner de semblables noms aux faux-Dieux par dérision ; que c’est ainsi qu’elle appelle Béelzébub, Dieu des mouches, le Dieu d’Accaron. Josephe Scaliger qui est du même sentiment, ajoute que le nom véritable de ce Dieu étoit Baal-reem, Dieu du tonnerre, & que les Israëlites, pour le tourner en ridicule, lui avoient donné celui de Baal-Phégor, qui veut dire, selon lui, Dieu du pet, parce qu’il n’y a rien qui marque plus de mépris que cette comparaison du prétendu tonnerre de ce Dieu. Vossius, Liv. II de l’Idolâtrie, ch. 7, croit que le 28e verset du Ps. CVI, peut faire juger que Béelphégor étoit le moth des Phéniciens, c’est-à-dire, le Pluton des Grecs & des Latins. Apollinaire, dans sa Paraphrase des Pseaumes, S. Augustin sur cet endroit, Cassiodore & Remi d’Autun dans son Commentaire sur les Pseaumes, semblent être de cet avis. Appollinaire, dans la Chaîne Grecque, sur le Ps. CVI, v. 28, dit que Béelphégor est Saturne. S. Chrisostôme & Théodoret suivent aussi ce sentiment. Vossius au II Liv. de l’Idolâtrie, ch. 7, soutient que c’est le soleil, & prétend par-là réunir tous les sentimens des Anciens ; que Saturne, Priape & le soleil, ou le Ciel, Uranus, sont la même divinité, c’est-à-dire, le maître de la nature, de la génération & de toutes les productions qui se font dans le monde ; que Priape selon Suidas, est l’Orus des Egyptiens, & qu’Orus est le Soleil ; que les figures que l’on donnoit à ce Dieu, & les ânes qu’on lui sacrifioit, ne sont que des symboles de la vertu de produire qu’a le Soleil ou le Ciel, qui n’est autre que Jupiter ; que le nom de Priape vient de celui de peor, ou pegor, que ce Dieu porte quelquefois, selon lui, sans Baal, comme Deut. XXXIV, 5, 6 ; & Jos XXII, 17 ; que la première partie du mot Priapus est פער, peor, & la 2e אב, ab, ou ap, père ; de sorte que Priapus n’est autre chose que Peor Pater ; comme Jovis Pater, Marspiter, Saturnuspater, Januspater, Diespiter, &c. qu’on peut dire aussi qu’il vient de פרה, fructifier, & de אב, père, & qu’il signifie fructificationis pater ; qu’il étoit appelé peor de פער, aperire, parce qu’on le représentoit tout nu ; ou bien parce que le soleil produit tout, met tout au jour ; qu’enfin ceux qui disent que le Priape est Bacchus, ne sont point contraires à son sentiment, parce que Bacchus est le même que le Soleil. Tel est à-peu-près le sentiment de Vossius.

Un Auteur récent conjecture, dit-on, que c’est Orus, que c’est Adonis, ou Osiris. Pour Orus, la conjecture n’est point de lui, mais de Vossius. Pour Adonis, rien n’est moins vraisemblable, ni plus mal trouvé. Sa raison est que David dit, Ps. CV, 28. Ils furent initiés à Béelphégor, & ils mangèrent les sacrifices des morts. Par ces sacrifices des morts il entend les cérémonies des fêtes Adoniennes qui étoient celles des funérailles. Mais 1°. l’Ecriture ne diroit pas les sacrifices des morts, mais du mort. 2°. Elle ne diroit pas les sacrifices ; car ces cérémonies n’étoient point des sacrifices. 3°. Ou n’y mangeoit point, au moins dans la partie qui représentoit les funérailles d’Adonis. Ces sacrifices des morts ne sont donc autre chose que les sacrifices des faux Dieux, qui ne sont que des hommes morts. Comme le vrai Dieu est appelé par l’Ecriture Dieu vivant, les faux Dieux font appelés morts. 4°. Il n’y a nulle affinité dans les noms. Certainement S. Jérôme n’a pas cru que les Hébreux appelassent Adonis Béelphégor, mais Thammuz qu’il rend par Adonidem. Ezech. VIII.

Selden, de Diis Syris, Syn. I, C. 5, ne peut souffrir qu’on dise que Béelphégor soit Priape. il est bien vrai que les Israëlites qui l’adoroient, commirent des crimes abominables ; mais il ne s’ensuit pas que ces abominations fussent les cérémonies du culte de Béelphégor ; non plus que les crimes que commit Salomon avec les femmes Sidoniennes, n’étoient point une partie du culte des Dieux de Sidon qu’il adora avec elles. L’Ecriture ne donne pas plus lieu de croire l’un que l’autre. Ainsi cet Auteur croit que ce Dieu est le Baal, ou Belus, ou Jupiter des Chaldéens, si connu, & que le surnom de Phégor est ou le nom de quelque Prince déifié qu’on lui a donné, ou celui du lieu où il avoit un temple, & où il étoit honoré. Ce dernier sentiment est sans comparaison le plus probable. En effet, Phégor est une montagne, au L. des Nomb. XXIII, 28, & une ville, dans Josué, XII, 13, 19. Bethphégor, Deut. XXXIV, est le temple que ce Dieu avoit en ce lieu. On pourroit ajouter que cette montagne s’appeloit פעור, peor, ouvert, parce qu’elle s’ouvroit en effet & laissoit un passage, & qu’il y avoit là un col, une ouverture dans les montagnes par où l’on passoit : en effet c’est là que le peuple d’Israël passa.

Quelques-uns écrivent Belfegor. Le mariage de Belfegor ; c’est un petit ouvrage de Machiavel, dont la moralité est de faire voir qu’il se trouve quelquefois des femmes qui sont plus méchantes que le diable. Il a été traduit par M. Le Févre, & imprimé à Saumur avec ses vies des Poëtes Grecs.

BÉELTSÉPHON. s. m. Béeltséphon, c’est à-dire, Dieu ou Seigneur caché, de בעל, baal, & צפון, caché, participe passif de צפה, cacher. Ou bien Dieu du Septentrion ; car צפון, tsaphon signifie aussi en hébreu Septentrion. C’est le nom d’un lieu situé proche de la mer rouge, & de l’endroit où les Israëlites passerent cette mer à sec. Quelques Auteurs veulent que ce fût une ville, & d’autres seulement un lieu ou un rocher qui étoit dans le désert. Les Rabbins disent que c’étoit une idole de Baal, qui avoit été placée là par les Egyptiens, pour observer les Israëlites, & les empêcher de sortir d’Egypte. צפה, d’où ils tirent צפון, qui signifie spéculer, observer ; de sorte que le nom de צפון, speculator, auroit été donné à Baal, comme celui de Stator à Jupiter, pour avoir arrêté une armée qui fuyoit. C’est une fable. Ce n’étoit pas là la route qu’il falloir tenir naturellement pour sortir d’Egypte. Le P. Kirker croit que ç’a pu être le nom d’un lieu, comme les Commentateurs de l’Ecriture le disent ordinairement ; mais il juge que ce lieu n’a été ainsi appelé que parce qu’il y avoit une idole de ce nom, qui y étoit adorée ; que cette idole étoit placée là comme le gardien de l’Egypte, Custos Ægypti ; que le lieu où elle étoit placée le marque ; que toute la côte de la mer rouge étant