Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/9

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PRÉFACE.


D Epuis que la Langue Françoise a reçu des bons Ecrivains, du siècle dernier & du nôtre, l’éclat que lui ont donné leurs Ouvrages, on l’a parlé dans toute l’Europe, & son usage est devenu presque universel. Nous ne prétendons point que ce soit un avantage réservé exclusivement à notre Langue ; les Italiens & les Anglois pourroient en dire autant de la leur. Mais on ne sauroit contester que la Langue dans laquelle ont écrit Corneille, Molière, la Fontaine, Racine, Quinaut, Boileau, Rousseau, Paschal, Bossuet, Fénelon, Vertot, Fontenelle, Montesquieu, Voltaire, &c. n’ait bien mérité d’être connue par-tout où l’on cultive les Lettres. Ici les faits réduisent au silence tous les préjugés nationaux.

Un avantage particulier de notre Langue, c’est d’avoir été substituée à la Langue Latine, dans les négociations & dans les traités qui se sont faits depuis quarante ans, & d’être ainsi devenue la Langue politique de l’Europe. Cette distinction, qui ne peut être attribuée qu’au génie ou au caractère de la Langue Françoise, suffiroit pour démontrer combien sa marche a paru simple & naturelle ; avec quelle netteté, quelle aisance les idées s’y produisent, & se rangent dans la progression la plus analogue aux procédés de l’entendement ; combien ses phrases & ses expressions sont claires ; enfin combien son étendue & sa souplesse la rendent propre à traiter, même élégamment, toutes les matières.

Une Langue consacrée par le génie, & cultivée avec tant de soin, qu’elle a mérité dans le dernier siècle l’attention du Gouvernement, puisqu’il en a confié le dépôt à une Compagnie, destinée spécialement à la maintenir dans sa pureté ; une Langue encore très-méthodique, & fondée sur des principes qui n’y laissent presque plus rien d’arbitraire, avoit besoin d’être consignée dans ces archives du langage, qu’on nomme Dictionnaires.

Mais l’usage des Dictionnaires n’est plus borné, suivant l’acception primitive attachée à ce mot, à la seule intelligence des termes de la Langue qu’on veut entendre ou parler ; il n’est plus simplement grammatical. Les choses indiquées par les mots, sont décrites dans la plupart, & plus ou moins détaillées & circonstanciées : c’est même ce qui devroit faire distinguer les Dictionnaires de notions des véritables Vocabulaires : distinction que l’on ne fait point.

L’autorité de ces sortes d’Ouvrages peut être fondée sur la capacité & les lumières de ceux qui les composent, ou sur la réputation & le mérite des Auteurs qui y sont cités, & qu’on prend, en quelque manière, pour règle : ce qui fait