Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/905

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
881
BEZ

détrempée dans l’eau ; si elles sont bonnes, elles doivent devenir jaunâtres : on les éprouve en frottant du papier avec de la craie blanche, & en frottant ce même papier avec quelqu’une de ces pierres : si elles sont bonnes, les marques qu’elles y laisseront, seront vertes. On l’éprouve encore en le mettant sur un fer chaud ; s’il est bon, il ne souffrira rien ; s’il n’est pas bon, le fer le fera rissoler ; ou bien en le mettant dans de l’eau après l’avoir pelé, si après l’avoir laissé tremper deux heures il ne perd rien de son poids, c’est une marque assurée qu’il est bon & véritable. Il se fait un grand débit de bézoard à la côte de Coromandel.

La qualité du bézoard consiste dans les sels volatils alcali, dont il est formé, puisqu’il ne l’est effectivement que de la bile des animaux. C’est par-la qu’il détruit les acides, & excite la transpiration ; & sans aller chercher le bézoard si loin, toute pierre du fiel d’un animal en est un, quoique peut-être plus ou moins actif, selon les différens animaux, & les différens climats où ils auront vécu. Le bézoard se tire aussi quelquefois de quelques autres endroits que de la vésicule du fiel.

Il y a des bézoards de chèvre, de vache, qui ne sont formés que par un amas du poil de l’animal, qui en se léchant les a enlevés avec sa langue ; sa salive se trouvant pour lors visqueuse, colle ces poils les uns aux autres, lesquels forment en roulant dans l’estomac une boule de différente figure, & qu’on nomme Agagropile. Agagropila. Veschius a fait un traité sur cette matière.

Il y a encore des bézoards qu’on nomme fossiles, à cause qu’on les trouve dans la terre, & qu’ils ne sont produits par aucun animal. Ces pierres sont rondes ordinairement, ou arrondies ; il s’en voit qui ont d’autres figures. Elles sont toutes composées de plusieurs couches appliquées les unes sur les autres. Beccone en a trouvé en Sicile, & il en parle dans ses observations, & dans son Musæum. On en a observé à Boutonet près de Montpellier : elles sont là plus petites qu’en Sicile.

Ce qu’on nomme bézoard de Goa, est une composition dont la base, à ce qu’on prétend, est le bézoard. Cette pierre n’est point par couches, elle est sudorifique, on la râpe dans les bouillons pour cet effet.

Dapper rapporte, pag. 346, que l’on dit que dans la basse Ethiopie, au Royaume de Congo, dans la tête de certains Eléphans, on trouve une espèce de pierre de bézoard de couleur pourpre : qu’elle n’est pas trop dure, & qu’elle sert à teindre en pourpre, & à des remèdes.

Le bézoard occidental, ou celui du Pérou, est tout-à-fait différent, & se trouve dans plusieurs animaux qui sont particuliers en ce pays-là. Dans les uns le bézoard est de la grosseur d’une noisette ; dans les autres gros comme une noix ; dans d’autres de la grosseur d’un œuf de poule. Quelquefois on en trouve trois ou quatre dans le même animal tout à la fois. On en trouve de figure ovale, d’autres qui sont ronds, d’autres qui sont presque plats ; les uns de couleur cendrée, d’autres de couleur fort obscure. Les animaux dans lesquels on trouve cette pierre dans le Pérou, sont ceux qu’on appelle Guanachos, Jachos, Vicunnas, Taraguas. Les Taraguas portent les meilleurs. Le P. d’Ouaglie dit qu’on en trouve aussi dans le Chili.

Quelques-uns disent qu’il y a un bézoard de Perse qui se trouve dans le corps des singes. Celui-ci est si fort, que deux de ses grains font autant d’effet que la dose ordinaire de celui des chèvres ; mais il est fort rare, & ces fortes de singes se trouvent particulièrement dans l’île de Macassar.

Il y a aussi un bézoard qu’on appelle d’Allemagne, qui est une pierre qui se trouve dans le ventricule des chamois. Pline dit qu’on en trouve aussi dans les jeunes vaches, que Cardan appelle œufs de vaches. Il est certain qu’on trouve également dans l’orient & dans l’occident quantité de bézoards qui viennent des vaches. Il y en a qui pesent jusqu’à 18 onces ; mais il est peu estimé, & six grains de l’ordinaire font plus d’effet que trente de celui-ci.

Bartholin dit qu’en Dannemarc on en trouve souvent dans le ventre des moutons, & d’autres pierres qui se forment dans le ventricule ou dans les intestins des chevaux, qui chassent le venin des corps pestiférés qu’on préfère & compare au bézoard occidental. Celles-ci font comme des pelotes de poil, qu’on croit être faites des restes des herbes qui n’ont pu être digérées. M. de Choisi, dans sa Relation de Siam, dit que le bézoard vient dans le ventre du hérisson, du singe, de la chèvre, & quelquefois de la vache, & que celui du hérisson est le meilleur. Plus les bézoards sont gros, plus ils ont de valeur. Cependant les petits ont les mêmes propriétés que les gros. Il y a des personnes qui savent grossir le bézoard avec une certaine pâte composée de gomme, & d’une autre matière de couleur de bézoard. Ils lui savent même donner autant d’enveloppes que le naturel en doit avoir. La plupart des bézoards qu’on trouve en si grand nombre, ne sont que des compositions faites avec des magistères, de la rue, du scordium, & d’autres semblables plantes qu’on sait être très-propres pour faire suer.

La véritable valeur du bézoard oriental ne consiste que dans ses propriétés médicinales. Pour cette raison il est estimé au poids de l’or, c’est-à dire, à raison de 40 ou 45 livres l’once : & pour l’occidental il n’excède pas 10 à 12 livres l’once, à moins qu’il ne soit d’une grosseur extraordinaire, auquel cas, pour la curiosité plutôt que pour l’utilité, il seroit vendu jusqu’à 20 liv. l’once. De Rosnel.

Ménage prétend qu’on a dit ce mot par corruption pour pazar, & qu’il vient de Pazan, qui est le nom de l’animal qui le porte. Vossius de Idol. Liv. III, ch. 63, pag. 542, est de même sentiment. Il dit que les Arabes l’appellent hagerbezahar ; que quelques-uns croient avec plus de raison qu’il faut dire belzoar au lieu de bezahar ; ou plutôt encore belpazar, formé de bel. Seigneur, & pazan, qui est le nom que les Arabes & les Perses donnent à l’espèce des chèvres qui le produisent. Bochard croit qu’il vient du Persan bedzahard, qui signifie antidote contre les poisons, composé de bed, remède, & de zabar, poison. D’autres disent que bezahard est un mot arabe, qui signifie conservateur de la vie. D’autres disent que cette pierre est appelée des Hébreux bazarzehar, c’est-à-dire, victorieuse du venin, ou belzahar, maître du venin. De-là vient qu’on appelle bézoardiques, tous les antidotes & contre-poisons. Clusius croit que bézoard vient du mot indien, bazard, marché, forum, d’où l’on a fait bézard, & enfin bézoard. Voyez Garcias ab Horto, qui en fait une description particulière, & Anselmus Bootius ou de Boot, Hist. Gemmar. & lapid. Lib. II, cap. 191, avec les notes que Tollius y a faites. Bien des Auteurs ont parlé des pierres de bézoard, entr’autres Camille Léonard, Spec. Lap. Garcias, Liv, I, de Aromat. Histor. apud Indos. Christoph. Acosta, Lib. Arom. & Med. in Ind. Orient. Chapuzeau, Histoire des Joyaux. Vossius, de Idolol. I. III. chap. 68.

Bézoard, en termes de Chimie, se dit d’une poudre émétique corrigée avec l’esprit de nitre, & parfaitement adoucie par plusieurs lotions qui ôtent la qualité purgative de l’antimoine, & la convertissent en diaphorétique. On la nomme bézoard minéral ; à cause qu’elle a de qualités bézoardiques ; c’est-à-dire, qu’elle fait suer comme la pierre de bézoard.

On appelle aussi bézoard jovial, une préparation qu’on fait de l’étain. Voyez Etain.

Bézoard animal, est une poudre composée du cœur & du foie des vipères, pulvérisés ensemble.

BÉZOARDIQUE. adj. m. & f. Qui appartient au bézoard ☞ Qui tient du bézoard, où il entre du bézoard ou quelque chose qui lui en communique les propriétés. Bezahardicus, bezoardicus, pazaricus, bedzaharicus. M. Boyle appelle le bézoard minéral, minéral bézoardique. Il a des qualités bézoardiques. Les remèdes bézoardiques sont ceux qui ont la propriété de résister à la malignité du poison, & de le chasser. Il y a différentes préparations bézoardiques en chimie. M. Harris en explique trois. Il appelle l’une beroardicum joviale, l’autre bezoardicum lunale, & la troisième bezoardicum martiale ; c’est-à-dire, bézoardique de Jupiter, bésoardique de la Lune, & bézoardique de Mars.